Confusion
Au risque de paraître encore une fois comme des rabat-joie, force est de constater que les couacs s’accumulent un peu trop dans le fonctionnement de notre appareil diplomatique pour ne pas relever des dysfonctionnements qui crèvent les yeux.
L’absence au sommet de la Ligue arabe de Riyad du ministre des Affaires étrangères, M. Mohamed Bedjaoui, au sein la délégation algérienne conduite par le président Bouteflika, n’est assurément pas passée inaperçue.
M. Bedjaoui s’est fait supplanter par un étranger aux Affaires étrangères, par le ministre des Affaires sociales, M. Tayeb Louh, à ce rendez-vous arabe où sa présence en tant que chef de la diplomatie algérienne relève du simple bon sens diplomatique.
C’est en effet M. Louh, dont les observateurs se demandent sur le sens à donner à son incursion dans les circuits diplomatiques, qui avait conduit la délégation algérienne à la réunion préparatoire du sommet de Riyad au niveau des ministres des Affaires étrangères.
Et comme pour lever le dernier doute qui pouvait subsister dans les esprits sur cette énigme, la télévision algérienne a persisté et signé en montrant dans son journal de 20 heures le ministre des Affaires étrangères recevant en audience la princesse koweïtienne cheikha Friha Ahmed Al Sabah en visite dans notre pays.
A moins de nous convaincre que les intérêts diplomatiques de l’Algérie commandaient à M. Bedjaoui d’être personnellement à Alger pour recevoir l’hôte koweïtienne de l’Algérie, membre de la famille royale, l’absence du ministre des Affaires étrangères dans les déplacements à l’étranger du chef de l’Etat est devenue une règle pour ne pas susciter de légitimes interrogations sur les prérogatives du ministre des Affaires étrangères au sein de l’Exécutif.
Il est vrai que constitutionnellement, la conduite de la politique étrangère du pays relève du domaine réservé du président de la République et que Bouteflika dispose d’un conseiller pour les affaires diplomatiques pour le suivi des questions diplomatiques inscrites à l’agenda des visites à l’étranger du président de la République. Il n’y a donc en l’espèce aucune dérive constitutionnelle.
Le problème est d’ordre politique et éthique. Sans mettre en doute les compétences dans la maîtrise des affaires diplomatiques que pourrait avoir un ministre des Affaires sociales, il faut bien admettre que le fait est inédit.
Cette confusion des rôles et des missions gouvernementales ne peut qu’avoir des retombées négatives sur la conduite des affaires du pays. Désertant le front social, nos ministres se découvrent ainsi une vocation pour la politique !
Quand on n’arrive pas à régler un banal problème d’approvisionnement en lait qui perdure depuis plusieurs jours alors que le pays dort sur un confortable matelas de réserves de change, c’est que quelque chose ne tourne pas rond dans la machine de l’Etat.
Omar Berbiche