Logiques
Que vous dire des suites de l’abstention et des mesures annoncées par le pouvoir de serrer la vis «démocratique» ? Car, enfin, c’est à la fois exaspérant et désespérant de constater que ce pouvoir arrive à retourner en sa faveur les désaveux les plus nets. J’ai ressenti ces deux sentiments chez toutes les personnes qui m’ont parlé de cette question. Il leur semblait que l’état du pays, la gravité de la crise, le poids des problèmes qui pèsent sur les citoyens, la dégradation des perspectives économiques, les risques qui pèsent sur la cohésion sociale auraient mérité un débat national.
Une mobilisation patriotique qui aurait dressé l’état des lieux et dégagé un pacte national pour sauver le pays. Je m’étonne toujours d’entendre ce langage chez des gens à la fois sensés et intelligents et souvent très intelligents. Leur faute de base est qu’ils pensent Algérie, ils pensent le pays, ils pensent à partir du pays, c’est-à-dire à partir de ce bien qui nous est commun. De cet héritage reçu de nos parents et que nous devons déjà à nos enfants. Ils pensent à partir d’une terre qui est pour eux la seule terre possible, eux qui ne rêvent pas de partir, d’émigrer, de changer de nationalité ; eux qui rêvent simplement d’une bonne école pour les enfants, d’hôpitaux qui fonctionnent, de villes propres et de campagnes laborieuses et qui savent que sans le pétrole, nous ne pourrions importer plus d’un milliard de dollars par an.
Eh bien non ! le pouvoir ne fera rien de ces gestes politiquement salvateurs pour le pays. Ses premières réactions à l’abstention le prouvent : il a tout fait pour maintenir ce qu’on appelle, à tort ou à raison, le système. Ses amis sont dans une logique de sauvegarde du pays, le pouvoir est dans une logique de sauvegarde de ce «système». Ce qui leur apparaît comme irrationnel, incompréhensible, insensé au regard de l’expérience historique est tout à fait cohérent dans une autre logique. Le pouvoir ne gère pas le pays mais ses intérêts étroits et aussi des sautes d’humeur. Il vient de donner la preuve par neuf qu’il n’entend pas changer de cap. C’est au pays alors d’apprendre ce qu’il doit faire.
MOHAMED BOUHAMIDI