Vacataire. Je suis l’accessoire de ce bled.

J’ai achevé mes études. La passivité m’attendait. J’avais exactement vingt deux années. La chance me réserva une passivité active. J’étais recruté à l’université en tant que vacataire. ‘’…à titre accessoire’’ est écrit sur mes attestations depuis déjà trois ans. Je déteste le mot ‘’accessoire’’.

Pendant trois années j’occupe une fonction à titre accessoire faute du fameux magistère que je n’ai pas eu parce que attribué n’importe comment. Chez nous en Algérie, si vous voulez continuer vos études, vous devez passer un concours qualificatif. Un simple concours qui vous exclura de toute une carrière qui vous a été un rêve. Comme si l’évolution intellectuelle dépendait uniquement du moment pendant lequel vous passeriez ce concours. Comme si à l’avenir vous n’assumeriez pas ou vous assumeriez mal vos différentes tâches : pédagogiques, didactiques…

Enseignant vivant au sein de la cité universitaire, faisant la ‘’chaîne’’, ou communément la queue avec vos propres étudiants qui raillent votre sort ou raille le système de ce pays qui n’arrive pas à vous attribuer votre modique sou à temps voulu. Deux cent vingt cinq dinars l’heure. Oui je suis un enseignant’’ accessoire’’ à l’université ! Mes dépenses journalières ? Je n’ai pas envie de rire.

Je n’achète pas de journal, je le feuillette auprès de mes étudiants riches qui se permettent de se pavaner devant moi en voiture accompagnés de belles nanas. Je prote mon mal en patience comme je l’ai porté pendant deux ans, lorsqu’on m’informe que la doyenne n’a pas signé nos contrats parce qu’elle était partie en Suisse. Cependant, je ne serai pas payé qu’après une année.

Pour moi ce n’était rien puisque, de toute façon, la première tranche, qui dépasse largement mes dettes et qu’on ne m’attribue qu’aux environs du mois d’août, arrive très en retard. L’autre tranche jusqu’à nouvel ordre. L’année suivante. Ainsi de suite. Ce n’est pas de leur faute si les enseignants ne parlent que de ça. Personne ne connaît mieux qu’eux ce que démotivation veut dire dans ce domaine.

Au sein de mon département, il n y a pas de programme. C’est à l’enseignant (qui doit aussi être pédagogue) de se débrouiller pour trouver ce programme. Heureusement que les moyens actuels ne manquent pas mais, si vous voulez photocopier, imprimer des cours, à cause de l’arbitraire de certains travailleurs et de certains responsables, vous risquez de ne pas le faire à temps ou vous risquez de débourser de votre poche vide pour éviter les tourments de votre conscience qui avec le temps elle tarie.

C’est vrai, la conscience a aussi ses propres paramètres qu’il faut respecter sinon, vous risquerez de ne pas l’écouter. Nous sommes des êtres humains en fin de compte, non ?  Les premières années nous sommes sérieux, nous travaillons comme des forcenés dans un souci d’apprendre tout en faisant apprendre. Mais surtout dans le souci d’avoir de l’expérience.

Le mot expérience nous suivra la vie durant. Nous sommes frais donc évolutifs et très réceptifs. Nous apprenons, par ci par là, parfois de leur bouches même, que d’autres collègues maîtres assistants, enseignants associés…ne donnent que 20 % de leur énergie pour des raisons comme : les étudiants sont débiles, les étudiants ne travaillent pas. Je m’en fou, dit un enseignant, je travaille dans cinq places différentes et l’argent ne me manque pas…

Moi, je suis vacataire. Je suis l’accessoire de cette université. L’accessoire de ce bled. Accessoire passivement actif. Trois ans m’ont forgé. On dit qu’enseigner c’est apprendre deux fois. Moi, l’avantage était que j’ai appris quatre fois : en classe deux fois, au sein de la société deux fois aussi. J’ai forgé mes connaissances et mon savoir-faire en classe. J’ai forgé ma psyché et mon caractère au sein de la société.

Noufèl 

 

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