Danse et contredanse

Lorsqu’il y a rixe, seul un avocat capable peut démêler l’écheveau face à Leïla Fellouh, la juge…

Rachid D. est une victime débout face à Faouzi K. et Mustapha B. au dossier lourd et au casier «garni», et encore, garni, étant ornemental seulement!

Leïla Fellouh, la présidente de la section pénale du tribunal de Boufarik (cour de Blida), va passer presque trois quarts d’heure, dont un pour le seul avocat motivé au plus haut point, nous nommons l’élégant Maître Amine Morsli qui va avoir l’occasion de rappeler à Fellouh, attentive et malléable tant elle est tolérante, que la justice est un tout: police judiciaire, témoin, juge d’instruction, expertises et autres déclarations de la victime et de l’inculpé, «mais, s’est-il écrié, la décision, le seul verdict, provient de vous, madame. Oui, le juge du siège a le dernier mot.» Fellouh sourit alors que Benkhettou, la procureure, grimace.

Le délit est une rixe. Le motif est une collision. Faouzi K., le codétenu, tente d’expliquer que ce beau monde étant debout pour un constat des plus banals et «nous sommes arrivés à une rixe sauvage», ce qui n’empêchera pas la juge de lancer, au milieu de l’assistance: «Vous, par exemple, vous aviez sauté sur le capot pour une danse “apache” et agressé la victime. Alors, expliquez-nous un peu ces comportements dignes du Moyen Age. On ne peut donc plus dialoguer dans ce pays ou quoi?»

Les deux inculpés entrent la tête entre les épaules, alors que Rachid D., la victime, a jeté son dévolu sur Faouzi K. convaincu d’être un sniffeur invétéré et les circonstances du sinistre sur la route seules prouvent qu’il «planait», au moment de la collision.

Mustapha, lui, va s’amuser à dégeler la situation. Après avoir invoqué Allah par trois fois, il affirme que «tout ce tintamarre a eu lieu en l’absence de dialogue qui aurait dû arranger les choses et on se serait passé, et bien passé de tout ce dossier», a articulé le voisin qui a reconnu avoir rendu coup pour coup, car le vocabulaire utilisé a fait trembler l’arche d’Allah, et c’est malheureux.

Rachid, lui, a affirmé que Mustapha a refusé de dresser un procès-verbal de constat et tout pouvait rentrer dans l’ordre. «Non, ce monsieur a préféré crier, injurier et même casser la voiture», a souligné sans passion Rachid, qui a demandé 18 millions de centimes de réparations.

«Deux ans de prison ferme pour le détenu et un pour le non-détenu», a mâchonné Djamila Benkhettou, la représentante du ministère public.

Maître Amine Morsli, l’avocat du détenu, a attiré l’attention du juge sur le paradoxe qui veut que celui qui n’a rien fait soit incarcéré, en ajoutant que les éléments de la police judiciaire oublient souvent de faire la part des choses au moment de l’enquête. «Madame la présidente, la liberté des gens est trop chère pour que l’on s’amuse à jeter quelqu’un innocent plus qu’un bébé dans le landau. La défense s’élève avec véhémence devant de tels comportements.

C’est pourquoi, devant les demandes assommantes, nous réclamons l’application de la loi, car il y a eu rixe et c’est au tribunal de faire le tri au milieu des déclarations. Face à la sincérité de mon client, serein malgré la douleur, vous avez l’arrogance de la victime que seul le statut sauve de ses dires loin de la vérité», balance Maître Morsli tout en sueur, ne retrouvant le sourire qu’à l’énoncé du sursis, loin des deux ans ferme du parquet.

Abdellatif TOUALBIA

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