Les bornes de la philo

Le propre de la réflexion philosophique, n’est-il pas de poser des questions à l’infini ? Une lycéenne, sur le point d’affronter les examens du baccalauréat, me demanda de lui résumer, en quelques phrases, certains concepts philosophiques ayant trait à la notion de culture. L’essentiel, lui dis-je, c’est de savoir poser des questions d’une manière logique et continue. Quelle que soit ta réponse, elle doit être juste !

Gagnée par le doute, elle revint à la charge, mais, sans rien obtenir de moi. Comment parvenir à la convaincre, elle qui avait pris l’habitude de résoudre des équations, de plonger dans les questions de biologie, de génétique, de poids atomiques et d’autres éléments en relation direct avec ce qui est précis, régulé par avance ? La philosophie, lui dis-je encore, n’est pas la science, mais bien le commencement de celle-ci. Quelques jours plus tard, elle me fit savoir, avec un certain bonheur dans le regard, qu’elle avait, entretemps, reçu d’un professeur de philosophie la même réponse que je lui avais proposée. Cette fois-ci, elle comprit, peut-être un peu tard, que la philosophie n’était pas seulement le commencement de la science, mais un passage obligé pour conquérir le champ de la connaissance scientifique. Des questions naissent, d’autres s’en vont ou disparaissent à tout jamais.

Malheureusement, chacun prétend détenir la vérité, alors que celle-ci parvient à se loger un peu partout. L’erreur, lui dis-je, c’est de vouloir imposer, à tout prix, tel avis ou tel autre plutôt que d’inviter l’élève à poser des questions, non pour se poster en gardien de la vérité, mais plutôt, pour se surpasser chaque jour. La philosophie est, par essence, une espèce de jument revêche, à l’affût du plaisir d’être cravachée continuellement. Quiconque voudrait la dompter, n’en sortirait qu’avec des blessures.

La vérité, quant à elle, existe bien dans ces questions qui naissent matin et soir, prenant tel chemin de traverse ou escaladant tel promontoire. C’est pourquoi, il y a lieu de dire que la leçon de philosophie, aux yeux de notre jeune lycéenne, est semblable aux règles de grammaire et de certaines règles de rhétorique. C’est pourquoi, elle se sentit désorientée au point d’oublier le caractère scientifique de son cursus scolaire. Pour elle, la science, en tant que telle, se trouvait dans un lieu donné alors que la philosophie se dressait ailleurs, menaçante, déconcertante.

Donc, en raison de cette bipolarité forcée dans l’acquisition de la connaissance, notre lycéenne a fini par tout confondre au point de ne plus savoir que les sciences exactes ne le sont devenues qu’après avoir quitté le giron de la philosophie, pour pouvoir voler de leurs propres ailes.

Pourquoi donc sanctionner un élève qui répondrait, à sa propre manière, à une question précise de philosophie ? Pourquoi lui demander de répondre comme s’il lisait dans un livre ? Et pourquoi faire du cours de philosophie un corpus de connaissances intangibles alors que l’objectif de cette discipline est justement de faire reculer sans cesse les limites du savoir, par tous les moyens, et de toujours poser des questions mettant en relief le mouvement de toute l’existence ?

Merzac Bagtache

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