Asservissement

Les régimes totalitaires n’expriment pas toujours leur violence par leurs forces de répression. Ils utilisent à loisir les moyens de la modernité pour diffuser leur propagande: après le bâton, l’opium. Mais il semble à présent que même les régimes républicains tendent à domestiquer les médias, radios, télévisions et presse écrite.

Le général de Gaulle qui avait perçu le premier, l’importance de la télévision, s’en servit pour propager ses idées et améliorer son image en tenant bien en laisse les animateurs de ce média lourd. Ses successeurs lâchèrent un peu la bride mais eurent toujours un oeil vigilant sur les rédactions. Sarkozy, ayant extrêmement souffert sur les plateaux de télévision (il est allé jusqu’à se faire traiter de traître par une scénariste des Guignols de l’info), a décidé de mettre au pas cette déesse au cent bouches.

Non content de supprimer les recettes publicitaires à un service public encore réfractaire (lesdites recettes seront, bien sûr, récupérées par les amis du président qui possèdent tous, bien entendu, un appareil de propagande hertzien), il veut donner un coup de grâce au fragile équilibre conquis difficilement entre les aspirations d’un pouvoir liberticide et les nécessités d’un service public neutre, en faisant nommer par le gouvernement le président de France Télé.

C’est la réalisation de la fameuse formule «le serpent qui se mord la queue» chère à Duverger ou l’illustration parfaite de l’expression imagée bien de chez nous: «zitna fi dqiqna». Il n’en faut pas plus pour qu’une télévision qui était demeurée jusque-là à égale distance du pouvoir et de l’opposition, servant même de refuge à des langues ou à des plumes rebelles ou libertaires, devienne une annexe du bureau du chef de service de la communication de la présidence de la République.

Adieu les émissions de chauds débats où des protagonistes frondeurs échangent des phrases assassines et des propos directs où l’ambiguïté n’est pas de mise. Plus de Polac, plus de Pivot! Les autres non-conformistes se contenteront de mettre un peu d’eau dans leur vin…

Il n’en faut pas plus pour qu’une télévision qui était un exemple de démocratie devienne, du jour au lendemain (le temps au président d’essuyer les plâtres causés par les frasques de sa vie privée), une télévision du tiers-monde, entièrement dévouée au locataire de l’Elysée.

Le show interminable produit à l’occasion de la libération d’Ingrid Betancourt est l’illustration parfaite où celui-ci n’aurait dû être qu’un figurant dans une aventure aux nombreuses péripéties et où les acteurs de premier plan furent fort nombreux.

La deuxième illustration est l’opération menée à l’occasion du lancement de l’UPM, où le président français, président du Conseil de l’UE, reçoit une quarantaine de chefs d’Etat à une table où vont se télescoper des conflits vieux de plus d’un demi-siècle.

Mais le bouquet est atteint à l’occasion de la sortie du dernier album de Carla Bruni: jamais CD n’a subi pareille couverture médiatique.

Et c’est en boucle qu’on peut suivre les éloges des fans de la Première dame de France, qui occupe le devant de la scène dans les bacs à disques et les prisunics. Il ne reste plus qu’Internet pour échapper à l’influence élyséenne: mais pour combien de temps encore?

Selim M’SILI

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