Bouger pour manger du rouget
Le temps use. 46 ans après, un 5 juillet 2008, une certaine lassitude s’emparait des Algériens, déçus par la croissance molle du pays et son refus catégorique, autant partagé par les décideurs que par la population, de se projeter dans le cercle des nations modernes.
Pour faire bonne mesure, le Président a officiellement rendu hommage aux martyrs de la Révolution, au pied du monument aux morts entièrement construit par les Canadiens, a promu 22 généraux puis est parti au Japon par le vol du soir.
Une note d’espoir pourtant, le même jour, 16 harraga étaient interceptés au large de Annaba, des milliers de prisonniers de droit commun étaient graciés et le commerçant kidnappé à Maâtkas a été libéré.
46 ans après l’indépendance, l’Algérie bouge encore, peut-être pas forcément dans le bon sens, mais elle bouge et refuse l’immobilité.
C’est le cas des harraga de Annaba qui se sont déplacés de la terre vers la mer et de la mer vers la terre pour revenir au pays qu’ils ont voulu quitter. « On a failli partir », ont-ils dû se dire. C’est aussi le cas des prisonniers qui vont retrouver l’air libre le temps peut-être de commettre un nouveau larcin, de retourner en prison et de ressortir pour la grâce du 1er novembre.
« La guerre d’indépendance aura au moins servi à ça », ont-ils dû se dire. C’est le cas enfin du commerçant de Maâtkas, capitale nationale du kidnapping, qui va retrouver sa famille, après un aller-retour entre la maison et la montagne.
« Tout le monde ne parle que d’Ingrid Bentancourt, mais je suis libre », a-t-il dû se dire. Bouger pour manger du rouget, tel est le mot d’ordre et devant les prix affichés pour le poisson, cette philosophie prend tout son sens.
Tout le monde bouge et même le FLN, roi du statisme, a entrepris une opération de redressement pour démettre Belkhadem. Oui, c’est vrai, ce n’est pas du « bougeage » mais du lâchage.
Chawki Amari
