Le dessous des cartes
Cela fait des mois que les scénaristes d’Hollywood ont repris le travail et cela se ressent aussi bien dans l’activité de Wall-Street, dans la vie quotidienne des Américains que dans les activités sournoises des services secrets américains. Tout cela pour introduire la merveilleuse histoire de la libération d’Ingrid Betancourt détenue depuis plus de six ans par les Farc, la plus ancienne des organisations armées du monde.
Il faut préciser cette ancienneté pour comprendre la suite. D’abord, la version officielle telle qu’elle est présentée par les presses colombienne, française et américaine est digne d’un roman de Walter Scott, revu et corrigé par Ian Fleming. D’abord, il faut noter que la formidable communication a passé sous silence la nature du régime colombien longtemps lié aux narcotrafiquants.
Tout comme on a tu l’existence d’une autre organisation armée de libération nationale qui tient les maquis. On a aussi tu l’existence de puissantes milices entretenues par les oligarques colombiens. Tout ce beau monde se livre une véritable guerre où l’argent coule plus que le sang.
Car il faut se rendre à l’évidence, la Colombie est un pays riche, qui dispose de pétrole, de gaz, de pierres précieuses et de mines de métaux rares. Le tout est évidemment exploité par les multinationales et les oligarques colombiens.
C’est la raison pour laquelle, il y a des mouvements de guérilla qui veulent redistribuer un peu de la richesse colombienne aux Colombiens, dont l’écrasante majorité est très pauvre. Il y a ensuite le scénario de la libération des otages, comme dans un film de James Bond: d’intrépides agents secrets infiltrent la résistance colombienne, situent l’endroit où sont détenus les otages, comme par hasard et parmi eux, Ingrid Betancourt, 3 Américains et d’anonymes Colombiens.
Les otages sautent dans un hélicoptère censé appartenir à une ONG humanitaire et le tour est joué: Zorro est arrivé et les otages qui étaient présentés comme malades, mal nourris, mal soignés, au bord de la mort, sautent comme des cabris avec un physique radieux de touristes du Club Méditerranée. Celui-ci est le premier paradoxe et non des moindres. Le deuxième est la succession de faits: négociations, rupture puis silence radio sur Ingrid Betancourt avant sa libération miraculeuse.
La troisième contradiction est la qualité d’une organisation armée qui tient les maquis depuis quatre décennies: la mobilité est la première qualité vitale de chaque groupe de résistants.
La formidable opération de communication menée de concert par des présidents qui avaient besoin de remonter dans les sondages de l’opinion publique (Sarkozy et Uribe) n’a pas négligé l’aide des satellites américains ni des services du Mossad pour rendre l’opération plus crédible. Une séquence de circonstance a même été filmée.
Le couac vient d’une radio suisse romande qui a annoncé le versement d’une rançon de 20 millions de dollars. Alors qui croire? Il faut revenir à Boumediene qui déclara en présentant Aïssa Messaoudi: «Le succès de la guerre de Libération est dû à 50% à l’ALN et 50% à Aïssa Messaoudi dit Sawt El Arab.»
Selim M’SILI