Le romantisme perdu de la belle saison

Chaque année, 1 million d’Algériens prennent la route de l’Est, parasol en bandoulière pour le planter à Tabarka, Sousse ou Hammamet.

Assez de politique! C’est l’été. La belle saison. Pour les romantiques, elle inspire le farniente, les vacances, le soleil et la mer. Samedi dernier c’était le 21 juin. Premier jour d’été. Le jour le plus long de l’année. Partout dans le monde ce jour-là est fêté. Chez nous, la journée est passée sans bruit. Comme pour ne pas se faire trop remarquer. Comme frappée de la culpabilité de ne plus susciter des rêves. Pire, c’est même devenu la saison de tous les dangers pour les Algériens.

Depuis bien longtemps, d’ailleurs. D’abord les vacances. Pour les passer où? A la plage? Un vrai calvaire. C’est la cohue. Pas une seule plage, pas une seule crique qui échappe à la foule indisciplinée et très remuante. Aux décibels des transistors. Aux ballons perdus qui cognent et font sursauter les corps avachis. Aux détritus nappant le sable fin. La généralisation du crédit véhicule qui a permis, quasiment à toutes les bourses, la possession d’une voiture n’explique pas tout. La concentration de 80% de la population sur la bande littorale non plus. Il n’empêche que Rachid Benaïssa, le tout nouveau ministre du Développement rural, aurait pu avoir les coudées plus franches, le poids de l’ancienne tutelle en moins, pour rendre plus attrayant l’intérieur du pays.

Sauf que ce délestage s’annule par la charge supplémentaire du secteur de l’agriculture qui a été ajouté à ses missions. Quoi d’autre pour passer de bonnes vacances? Prendre l’avion pour s’évader? Mais pour aller où? Pas de visa. Tarifs exorbitants. Reste la Tunisie. Même si les Tunisiens ont tout des Algériens avec lesquels ils partagent beaucoup de points communs, qu’ils ressemblent à des Algériens, la différence est qu’ils forment une version «améliorée» de cette partie de nous-mêmes.

Le tourisme tunisien est très coté sur le marché international. Tous les ennuis rencontrés sur nos plages n’existent pas là-bas. Et puis, point besoin de visa. L’avion n’est pas indispensable. C’est pourquoi chaque année, 1 million d’Algériens prennent la route de l’Est, parasol en bandoulière pour le planter à Tabarka, Sousse ou Hammamet.

Aux inconvénients cités ci-dessus, de passer ses vacances sur les plages algériennes, s’ajoutent plusieurs autres risques de santé. Les dermatoses, la conjonctivite. L’agression guette également pour un droit d’entrée apparenté à du racket, pour une place dans des supposés parkings sans assurance aucune, pour un carré de sable illégalement taxé, etc.

Au-delà de la plage et des vacances, la vie elle-même en été est celle de tous les dangers. Où l’intoxication alimentaire guette à chaque coup de cuillère. A chaque cornet de crème glacée. Où la chaîne du froid est respectée comme le Code de la route.

Pour toutes ces raisons et d’autres encore, la belle saison a perdu son romantisme pour se transformer, au fil des ans, en une saison de crispation, de vigilance extrême, d’odeurs désagréables. Bref, en saison «rose», l’été a viré chez nous au «noir». Résultat, et hormis ceux qui en profitent pour des visites familiales au bled, beaucoup ne «partent» pas. Pour ces derniers, c’est le désoeuvrement, l’ennui, pour qui les jours se suivent et se ressemblent.

Ceci dit, le tableau n’est, malgré tout, pas totalement noir. Il y a une avancée qu’il ne serait pas honnête de ne pas relever. Nous avons de l’eau. Les robinets coulent généreusement. La hantise des coupures et de la pénurie d’eau est derrière nous pour au moins deux décennies. Grâce aux nombreux barrages réalisés. Grâce aux stations de dessalement d’eau de mer installées tout au long de la façade maritime. On a envie de dire à nos responsables que de nous avoir donné de l’eau, c’est bien. Très bien même. Mais qu’il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. De continuer sur la lancée pour les autres étapes qui restent pour un mieux-être des Algériens.

On s’était pourtant promis de ne pas parler de politique. Oui, mais…tout est politique. Même les saisons. Même les vacances.

Zouhir MEBARKI

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