IV : Boumediene : la parole aux lecteurs

Nadir : «Il est difficile pour certains d’admettre une réalité même flagrante soit-elle, quand ils sont de l’autre côté de la démocratie. Ils ne voient que l’ornée galerie qui les entoure, loin de la criminelle barbarie et la répression du régime dictatorial construit par Mohamed Boukherouba, que vous élevez ici au rang de nationaliste. Par la falsification permanente de l’histoire d’Algérie, des collaborateurs du colonialisme sont aujourd’hui des moudjahidine pour l’indépendance du pays.

Vous écrivez : en permettant au pays de retrouver les vraies valeurs de la Révolution algérienne. Ce n’est un secret pour personne sur votre plume partisane à la glorification répétée à cet individu. Mais où est donc resté le fondement de cette révolution écrit par le sang sur la plate-forme de la Soummam par près de deux millions de martyrs ? Comment expliquez-vous la liquidation de valeureux moudjahidine de la première heure, Krim Belkacem, Mohammed Khider et les dizaines d’inconnus du public ? Une compétence morale et physique n’a pas besoin de gourdin. L’intellectualisme et la tolérance universelle ne sont pas à la portée des faiblesses d’un pouvoir de pérennité. «C’est grâce à ces militants algériens, algériennes sincères de vouloir faire respecter le serment du 1er Novembre 1954 qui ont comblé les prisons d’un dictateur, qu’il vous est permis d’écrire aujourd’hui selon votre humeur. Aux yeux de millions de citoyens, Boukherouba est l’un des responsables de l’architecture du panorama, un seul ordre prescrit à sens unique que nous vivons à présent. On ne peut pas être démocrate sans avoir sa valeur et les facultés saines à celle-ci. Je sais ce dont je parle, je suis passé à Dar Nakhla et Bouzaréah. Vous connaissez ? Il m’est incompréhensible que vous soyez toujours aveugle et nostalgique à une insolence politique, malgré la parabole, l’internet, etc.»

Tahar A., ingénieur, San Francisco : «Oui, Boumediene était un grand, l’un des plus grands dirigeants qu’ait connus ce pays. Il avait une politique clairvoyante, continuation des idées qui étaient celles du progrès pour tous et de la justice sociale de la Révolution armée. Grâce à lui, nous sommes nombreux à avoir pu vivre décemment, étudier et bénéficier de bourses à l’étranger. Personnellement, je suis un fils d’un ancien khammès affranchi par la Révolution agraire. Pensez-vous que j’aurais pu devenir un grand ingénieur respecté dans un pays où il n’y a aucun piston sans la politique de Boumediene ? Tout au plus, j’aurais été un berger. Son image, ses paroles, ses engagements, sa sincérité, son amour des choses simples et ses grands défis resteront dans l’histoire. J’avais programmé de rentrer pour servir mon pays, hélas le bateau Algérie a commencé à prendre une autre direction au milieu des années 80 et les résultats sont là !»

Kamel T. : «Boumediene a du sang sur les mains ! Heureusement que tout le monde a travaillé le 19 juin et rares sont ceux qui avaient remarqué que ce jour était celui du coup d’Etat : pour eux, Boumediene ou Ben Bella, c’est kif-kif : ils ont souillé ce beau pays (…). Vous savez, moi je suis quelqu’un parmi les jeunes dont vous parlez, car je suis né en 1971 et pourtant je ne dis pas que j’ai raté l’âge d’or de l’Algérie, et de votre colonel dictateur. J’en savais rien sauf des bribes…. Mais au fil du temps, j’ai appris tous les désastres qu’il a commis avant et après l’indépendance ! (…) Je n’ai pas appris à détester Boumediene comme ça, par plaisir ou par racisme ou régionalisme, non rien de tout cela ; si je ne le supporte plus, c’est par rapport à tout ce que j’ai lu et que je vous invite d’ailleurs à lire (peut-être que vous allez changer d’avis). Je vous invite à lire le livre Heureux les martyrs qui n’ont rien vu de Bessaoud Mohand Arav, et aussi Conjuration au pouvoir du grand maquisard Mohamed Ben Yahia. Lire aussi Le pays des homme libre d’Ali Zamoum. N’est-ce pas ton colonel président qui a dit un jour «il n’y a point d’homme qui travaille dans le miel qui ne se lèche pas le doigt»?? Histoire d’encourager les gens à voler, à se corrompre et les gens sans scrupule ont bien compris qu’il était temps de se servir ! (…) Aussi une chose, votre Boumediene n’a passé que six mois sur le sol algérien en guerre, le reste du temps il l’a passé bien au chaud et à l’abri sur le sol marocain, c’est ce qui l’a aidé à planifier sa route vers le fauteuil de la présidence, car s’il était parmi les authentiques maquisards de l’intérieur, il n’aurait eu même pas le temps d’y penser tant qu’à l’intérieur on est constamment traqué par l’armée française et surtout on a trop faim. Si les résolutions du Congrès de la Soummam étaient appliquées sans doute que Boumediene aurait fini ses jours dans une caserne. Sans rancune, Monsieur Maâmar.»

Madame Bouali B. : «Si une fois vous m’avez fait rire aux larmes, cette fois vous m’avez enfoncé une épine dans le cœur. Cette épine, je ne voulais pas y toucher tant elle me faisait mal. L’épine ? C’est le souvenir de ce grand homme que l’Algérie a perdu. Ses regards, Ses faits et gestes, Ses paroles, tout en lui n’était que sincérité et loyauté. Un proverbe arabe dit : «Echouoûbou aâla dini mouloukiha : les peuples suivent la doctrine de leurs gouvernants. C’est pour cette raison que dans les années 70, du temps de ce grand homme, il y avait des hommes, de vrais ! Aussi il faisait bon vivre et dans l’air planaient l’amour, l’amitié, la culture, les bonnes manières, enfin tout ce qui est bien et qui ne ressemble aucunement aux bassesses d’aujourd’hui. Toute petite j’étais, mais vous ne savez pas à quel point le souvenir et l’odeur des années 70 me hantent. Toute petite, je ne comprenais fichtrement rien aux discours de ce colosse mais je ne pouvais les rater et à chaque discours, il y avait du nouveau, du concret. Le khitab de errais Houari Boumediene était attendu de tous, et chaque mot était analysé parce que le colosse ne parlait pas pour ne rien dire. Seulement, notre père avait des idées trop révolutionnaires, trop dérangeantes pour les nations riches, trop sincères pour son peuple et trop intelligentes et constructives pour le monde entier, c’est pour cette raison qu’il n’a pas vécu longtemps. A sa mort, des personnalités du monde entier sont venues rendre hommage au colosse, le dernier colosse de l’Algérie et depuis, celle-ci est en deuil, et depuis, il est fini le temps des roses, cher monsieur et ami.»

Maâmar FARAH

P.S. : L’histoire seule jugera cet homme. En attendant, les paysans pauvres et sans terre, les enfants des khammès, les ouvriers, les démunis, les sans-grades savent, mieux que quiconque, qu’ils ont perdu leur porte-voix le 27 décembre 1978. Depuis, ils comprennent mieux pourquoi, dès l’indépendance, l’Algérie abandonnait le libéralisme. Ils comprennent mieux pourquoi il fallait rompre en 1965 avec le romantisme révolutionnaire pour bâtir un grand Etat moderne, seul garant d’une politique d’indépendance nationale authentique. Aujourd’hui que c’est le grand bazar et que nous importons tout et n’importe quoi, — même la gestion de l’eau potable de nos villes —, les Algériens savent que le compter-sur-soi a été abandonné. Ils savent que le grand bradage ne fait que commencer. Ils savent que le néocolonialisme est pire que le colonialisme. Hier, nous voyions tous les jours nos exploiteurs : ils s’appelaient Gérôme ou Gaston. Les martyrs sont tombés pour arracher la terre et les biens spoliés. Aujourd’hui, nous sommes exploités par des sociétés anonymes, de grandes multinationales qui nous volent déjà nos terres et nos biens, avec notre bénédiction et notre reconnaissance. On leur a trouvé un nouveau nom, moins agressif : ce sont les INVESTISSEURS ! Personne ne nous dit qu’ils ont parfois de gros associés algériens ! Mais demain ou après-demain, les mêmes injustices, le même mépris et le fossé grandissant entre le peuple et ses exploiteurs créeront les conditions d’une nouvelle révolution. L’histoire aura alors jugé !

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