Sourds mais bavards
Le PJD (Parti de la justice et du développement) du Maroc a relancé la question de la réouverture de la frontière terrestre algéro-marocaine. Une «urgence qui sert les intérêts des deux peuples», souligne un communiqué du PJD rendu public hier. Le texte appelle à un dialogue sérieux pour traiter de la situation à la lumière de l’évolution de la question du Sahara occidental.
Le dialogue est bien sûr destiné à arracher à l’Algérie une fausseté que ni Paris, ni Washington, ni Madrid et encore mois Tel-Aviv n’ont osé cautionner : la prétendue souveraineté marocaine sur la Saguia El-Hamra et le Rio de Oro. Mis à part le Maroc que raconte Haykel, pas un seul des autres Etats affiliés à l’ONU n’a voulu blanchir la spoliation et donner un semblant de légalité aux chimères expansionnistes du makhzen.
Car, en plus de la question de la frontière, le PJD exhorte le gouvernement algérien à épouser la vision qu’il partage avec Peter Van Walsum sur la question du Sahara. Bien plus, Alger est invitée à répondre à l’appel au «réalisme», le mot inadapté qui a désormais fait de Walsum un indésirable dans nos parages. Le réalisme impose-t-il par la force aux peuples une identité autre que la leur ?
Les Algériens n’étaient-ils pas considérés français pendant cent trente-deux ans avant qu’ils ne confondent, au prix d’une lourde facture, le mensonge et ses auteurs ? Y a-t-il un réalisme plus juste que celui qui recommande de permettre aux Sahraouis d’exercer leur droit à s’autodéterminer ? De quel réalisme parle-t-on ? De celui de l’imposture de la marche verte ?
Du réalisme madrilène qui avait partagé le territoire en deux entre le Maroc et la Mauritanie, avec le râle de Franco pour bénédiction ? Du «mur de la honte» qui coupe l’ancienne colonie espagnole et les malheureuses populations qui y vivent en deux ? Combien de fois a-t-on entendu les Algériens déclarer qu’ils n’avaient aucune revendication sur le Sahara occidental, qu’ils reconnaissaient le Front Polisario comme le représentant unique et légitime du peuple sahraoui et que, par conséquent, le Maroc devait s’adresser à lui et ne plus taper dorénavant à la porte algérienne.
On expliquait que cela ne mènerait nulle part car l’Algérie est allergique au tutorat et n’est donc pas prête à l’exercer. Pourquoi redoute-t-on à Rabat de faire passer la question de l’autonomie par référendum alors qu’on donne la population sahraouie comme totalement acquise au roi ? Même après avoir radicalement transformé la carte démographique du pays en y injectant des masses de Marocains ?
Que le Maroc se vante de l’appui de ses complices du Conseil de sécurité et garde le silence sur la campagne menée en sa faveur par le lobby prosioniste, cela change-t-il quelque chose à la donne ? La question du Sahara occidental reste plus que jamais une affaire de décolonisation qui oppose deux belligérants : le Maroc et le Front Polisario. Une question qui, malheureusement, apparaît n’avoir comme alternative que le statu quo ou la guerre.
Mohamed Zaâf