Publicité et liberté de presse

Tout le monde le savait. Le gouvernement l’a établi par une étude sanctionnée par “un livre blanc” : il y a péril en la demeure de la télévision unique et publique.

Le nombre d’Algériens, qui regardent les télévisions étrangères, françaises et arabes, est deux fois et demi plus élevé que le nombre d’Algériens qui regardent la télévision publique, révèle cette étude commandée par Djiar, le précédent ministre de la Communication (2006-2007).

En gelant la loi sur la publicité, il y a dix ans, le pouvoir voulait s’approprier la décision de répartition des ressources de la publicité institutionnelle au profit prioritaire du secteur des médias publics. C’est l’objectif de la fusion organique des médias publics et de l’organisme de centralisation et de répartition des annonces. Le dispositif lui permet aussi de dispatcher la manne publicitaire en fonction de l’obédience rédactionnelle des titres privés de la presse écrite.

La démarche fait des budgets publicitaires du secteur public une arme de dissuasion éditoriale. En instituant un verrou administratif entre les organismes annonceurs et les titres, la publicité télévisée étant en situation de monopole de fait, le gouvernement se donne un moyen de pression commerciale. Avec le quasi-monopole d’imprimerie qui lui permet de jouer avec les facilités de paiement de frais d’impression et le monopole de la publicité, le pouvoir dispose d’un instrument de restriction de la liberté de presse sans avoir à assumer cette répression commerciale indirecte.

La publication de l’OJD, pourtant légalement obligatoire, n’est pas exigée. L’opacité sur les tirages respectifs facilite l’arbitraire de l’octroi des marchés publicitaires.

L’offre de publicité privée, en constante croissance, compense de plus en plus les effets de ce mécanisme politico-financier. Mais les quelques grands annonceurs, justement parce qu’ils ne sont pas nombreux, ne se gênent pas pour faire un usage éditorial de cette manne, si bien que certaines firmes ont un statut d’intouchables dans la plupart des rédactions. La presse se montre moins curieuse de leurs pratiques sociales, industrielles et commerciales. Le consommateur, l’employé, l’environnement, voire la loi sont sans recours médiatique contre leurs éventuels abus.

Le rapport à la publicité et la structure de coût du journal font de son tirage un élément secondaire de sa survie. Cette situation qui désarme les lecteurs, qui ne participent que faiblement à la rentabilité de l’entreprise de presse. Certains titres ont reçu de ces mêmes lecteurs le surnom de “centrale des annonces”.

La dépolitisation tendancielle de la presse nationale s’explique en partie par cette évolution qui fait que la survie des publications dépend plus du rapport de connivence tacite entre l’éditeur et l’annonceur public ou privé. À terme, la relation commerciale soumet la mission d’information. Même si les rédactions n’intègrent pas systématiquement la préoccupation mercantile de la plupart des éditeurs.

Le pouvoir découvre que sa stratégie de pression par la publicité est médiatiquement improductive. Et nous découvrons avec lui que la publicité sert aussi à circonscrire la liberté d’expression.

Mustapha Hammouche

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