Marches

L’Algérien est-il un bon marcheur ou un grand marcheur? La question mérite d’être posée et envisagée sous plusieurs angles. D’abord, il faut distinguer le citadin du rural. Celui-ci a été toujours un grand marcheur vu que la topographie de la campagne et la morale qui y est dominante ne laissent guère de place à la mollesse.

A la campagne, les routes sinueuses, les sentiers qui serpentent entre des champs herbeux ou le long des fossés bordés de frênes ombrageux qui invitent à une halte propice à des échanges de propos brefs, courtois ou instructifs, sont le décor idéal pour des randonnées apéritives ou des promenades solitaires propices à la réflexion.

Le citadin n’a plus ce plaisir de se dégourdir les jambes et l’esprit tant l’atmosphère de la ville est polluée par une circulation automobile de plus en plus dense et par des fumées industrielles qui stagnent au-dessus des toits comme un champignon atomique.

La deuxième question qu’il faut se poser est celle-ci: la marche est-elle d’un effet positif pour la santé de l’individu et pour l’économie en général? On peut dire pour les deux, car la plupart des consultations médicales finissent presque toujours par cette recommandation du praticien qui insiste toujours après la rédaction d’une ordonnance longue comme un jour sans pain: «Je vous conseille de faire un peu de marche à pied, chaque jour.»

La marche est bonne aussi pour l’économie en ce sens qu’elle pousse à l’économie du fuel et à la stimulation de l’industrie de la chaussure, même s’il s’agit de l’industrie chinoise. Les marcheurs auront compris un jour ou l’autre la meilleure qualité de la chaussure nationale, surtout à force de recevoir des coups de pied…

Mais, dans l’ensemble, on peut dire que l’Algérien est un grand bon marcheur puisque cela fait presque un demi-siècle qu’on le fait marcher à force de slogans de toute nature.

L’Algérien aime la marche ou plutôt les marches, ces manifestations pacifiques initiées par la classe ouvrière européenne qui sortait dans la rue pour rappeler à leurs élus les promesses non tenues. L’Algérien a commencé à marcher très tôt: d’abord pour scander à la face de l’occupant colonialiste des slogans de liberté et d’identité du genre «Algérie algérienne!». Puis, après l’Indépendance, il a marché pour exprimer sa joie de la liberté recouvrée (façon de parler!). Les lampions de l’indépendance ne sont pas encore éteints que l’Algérien dut ressortir ses pataugas pour crier à la face des fratricides «Sebââ snin! Barakat!» Et les frères firent la sourde oreille.

Plus tard, il marcha pour acclamer Ben Bella, puis quelques années après, pour protester contre sa destitution: c’est là qu’ils reçurent les premiers coups de pied chaussés de «Rangers». Bref, il marcha pour la Palestine, pour le Sahara occidental, pour Boumediène, pour Mouloud Mammeri, contre Chadli, pour le Fis, contre le Fis. Enfin, il marcha.

Il a même marché pour qu’on lui restitue les plages du Club-des-Pins et de Moretti. Depuis que les marches sont interdites, les émeutes se multiplient.

Selim M’SILI

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