Le temps des vœux
Lorsqu’il était interrogé par un confrère sur l’intensification des appels marocains pour une normalisation des relations entre Alger et Rabat et partant sur la réouverture de leur frontière commune, M. Abdelhamid Mehri ne s’est pas déclaré contre. L’homme jugeait plutôt que le message allait «dans la bonne direction» et émettait une série de vœux. Il n’y manquait que daouwate el-khir.
«Je ne peux que souhaiter la normalisation des relations entre l’Algérie et le Maroc», disait-il comme pour s’excuser d’une situation qui est là mais dont personne n’en veut. Et d’ajouter : «J’espère que le cinquantenaire de la Conférence de Tanger (qui sera commémoré au Maroc le 27 avril prochain, NDLR) donnera le départ d’un véritable renouveau des relations entre le Maroc et l’Algérie.» Serait-ce possible ? Se pourrait-il que M. Abdelhamid Mehri, un vieux routier du mouvement national, qui a figuré dans le GPRA, qui a participé lui-même à la Conférence de Tanger, qui a présidé aux destinées du FLN et qui, en tant que SG du Front était allé proclamer sur place lors d’un congrès sahraoui l’appui de son parti au Front, Polisario, puisse ne placer que de l’espoir là où l’expérience démontre que c’est la prudence extrême qui s’avère de rigueur ? Bien sûr que les Algériens aimeraient traverser la frontière ouest comme ils traversent le perron de chez eux.
Bien sûr qu’ils souhaitent accueillir dans la totale fraternité nos frères du Maroc. Bien sûr que l’Union fait la force et qu’il y a tant à faire ensemble. Bien sûr que tout le monde connaît ces vérités. Sauf qu’il n’y a pas que ces vérités, il y en a d’autres qui sont aussi connues de tout le monde et qu’il n’est pas question d’étaler ici. Entre le Maroc et l’Algérie, il y a beaucoup d’abcès à crever et rien ne vient dire que les deux capitales sont prêtes aux nécessaires coups de bistouri et à leurs douleurs.
Récemment, M. Larbi Messari, dirigeant au parti de l’Istiqlal, se prononçait non seulement pour la réouverture des frontières et pour la normalisation des relations algéro-marocaines mais accordait une grande importance à la «dynamisation» de la construction maghrébine. Lors de la commémoration de la Conférence de Tanger «nous allons insister pour réactiver l’idée de l’union, en précisant que c’est une revendication de tous les peuples du Maghreb», révélait-il à un confrère marocain. «Le Maghreb ne se limite pas seulement au Maroc et à l’Algérie. Il faut que tous les peuples qui se trouvent dans cet ensemble trouvent leur place», déclarait, pour sa part, notre ministre de l’Intérieur, M. Yazid Zerhouni.
Il ne s’agit pas de construire un Maghreb où les uns gagnent et les autres perdent, disait-il dans des propos qui traduisent largement la pensée des Algériens. Les Algériens ne planteront jamais le couteau dans le dos sahraoui, ils n’useront jamais du cadavre sahraoui comme piédestal pour se faire agréer de la «vieille», de ses baptiseurs ou de ses maîtres chanteurs. Mais gageons que d’ici le 27 avril, d’autres vœux marocains viendront supplanter ceux de Mehri.
Mohamed Zaâf