Zimbabwe : l’Afrique, otage de ses tyrans
Les triples élections – présidentielle, législatives et locales — au Zimbabwe tournent au surréalisme. Le spectacle affligeant est significatif, jusqu’à la caricature, d’une “démocratie” supervisée par une dictature. Cela fait dix jours que les quelque six millions d’électeurs zimbabwéens devaient élire un Président, 210 députés, 60 sénateurs et des conseillers municipaux.
Les résultats devaient être rendus publics il y a huit jours. Mais la commission électorale fait de la rétention et distille les résultats des législatives au compte-gouttes, avec une avance légère, mais soutenue du principal parti de l’opposition, le MDC. Mais rien ne filtre sur la présidentielle.
La presse publique seule déclare qu’aucun des candidats n’a réuni les 50% qui lui permettraient de régner.
Depuis, on comprend chaque jour un peu plus clairement que Mugabe n’est pas près de lâcher les rênes. Le Zimbabwe tient en haleine le monde entier, tout en s’enfonçant lentement, mais sûrement dans le chaos. C’est dans un contexte de crise économique aiguë que le régime suspend, de facto, la vie nationale et prend le risque de précipiter le pays dans un chaos qui pourrait être fatal pour des milliers, peut-être des millions de Zimbabwéens.
La redistribution des terres en faveur de la population noire, si elle devait avoir des résultats socioéconomiques à terme, ne pourra tout de même pas résorber la pénurie alimentaire qui, bientôt, mettra en jeu la vie de près de six millions d’enfants. Il est déjà certain que, dans quelques mois, sinon quelques semaines, la nourriture de la masse des Zimbabwéens relèvera de l’aide humanitaire.
Il est ahurissant que ni l’échec d’une réforme catastrophique par ses conséquences économiques ni les exigences de l’apparence démocratique, dont ils veulent se draper, n’obligent les despotes du tiers-monde. Quand leurs abus les condamnent ou que les sociétés qu’ils éprouvent les rejettent, ils sombrent, les yeux fermés, dans la fuite en avant. Ils font payer aux victimes de leur règne le prix de leur obstination à conserver le pouvoir.
Au Zimbabwe — comble de cynisme ! —, le parti du régime, à l’origine de la famine, use de l’aide alimentaire internationale comme d’une arme politique en supervisant sa distribution dans les milieux ruraux !
Ce faisant, il interdit tout de même à la presse et aux observateurs occidentaux de suivre les élections.
Dans une espèce de fatalité de l’Histoire, le continent semble condamné à subir des dictateurs au long cours qui affament leur peuple, poussent chaque jour un pays de plus dans la catastrophe humanitaire, le remettent à la charité internationale et s’entêtent tout de même à y régner !
Le Zimbabwe, ce ne sera pas seulement le Kenya. C’est le Kenya doublé d’une crise de la faim. Mais le pouvoir seul compte pour les tyrans. Ils peuvent allègrement poser leur trône sur des montagnes de cadavres de leurs concitoyens.
Mustapha Hammouche