Si, par miracle…
Nous sommes entrés dans le vif du sujet électoral. Les partis vont pouvoir nous exposer leurs programmes et leurs idées à la télévision. A la télévision ! Moment rare que nous devrions apprécier à sa juste valeur, la précieuse «économie de marché» ayant confirmé l’adage : ce qui est rare est cher. Pour ne pas obérer le budget de l’Etat ni gaspiller les ressources de la nation, le pouvoir nous offre ces rares moments avec une sage parcimonie, soucieux de notre santé mentale et fermement décidé à nous éviter une overdose démocratique.
Dieu bénit notre pouvoir si prévenant à notre égard. Il nous prend, d’ailleurs, pour un peuple hyperintelligent. En une campagne électorale de trois semaines nous allons comprendre ce que l’opposition ne nous a pas expliqué depuis les dernières élections parlementaires. N’est-ce pas une image gratifiante et valorisante que nous renvoie le pouvoir ? Avec lui, plus besoin de miroir ni des flatteries intéressées de l’opposition pour nous remonter le moral.
La preuve que nous sommes intelligents, le pouvoir nous la donne tous les jours : nous avons voté pour lui. Il s’échine à nous le rappeler tous les jours. Tous les jours, les trois partis de la coalition passent, ensemble ou séparément, à la radio et à la télévision au cas où la couverture des ministres de ladite coalition ne suffirait pas à nous prouver la reconnaissance que nous voue le pouvoir de l’avoir élu.
Ce n’est pas du temps de parole partisan, ce sont des remerciements à notre légendaire perspicacité. Cela clouera le bec de tous ceux qui se plaignent de l’inégalité du temps de parole dans la durée au prétexte que 21 jours de démocratie bavarde ne comblent pas des mois et des mois de silence impuissant. Entre tous ces partis qui n’ont rien à dire par aphasie routinière et le pouvoir qui a déjà tout fait, vous pensez bien que nous avons déjà tranché. Cela ne m’empêchera pas d’écouter attentivement l’opposition. Et si, par miracle, dans notre pays qui en connaît tant elle avait quelque chose à dire ?
MOHAMED BOUHAMIDI
