Problèmes réels et débats artificiels
Lancé une année et demie avant l’échéance, le tapage sur la virtualité d’un troisième mandat nous occupe. Mais le Président ne dit rien. Il n’est pas obligé en effet d’intervenir dans un débat qu’il n’a, officiellement, pas suscité. Cela se passe entre ceux qui veulent qu’il se maintienne au poste et ceux qui souhaitent le voir quitter les responsabilités à l’issue de son second mandat.
D’ailleurs, nous avons fini par évoquer la possibilité d’une renonciation. La polémique aura tout de même le mérite de couvrir toutes les questions qui se posent au pouvoir. L’Algérie n’a pas de problèmes autre que celui, philosophique, de savoir si l’alternance au pouvoir doit être constitutionnellement imposée par la limitation du nombre de mandats ou si elle doit être laissée au libre choix des électeurs qui pourront, à leur guise, reconduire le chef de l’État le nombre de fois qu’ils le souhaitent.
Pendant que le FLN, le RND, l’UGTA, l’UNFA, l’Association des zaouïas, celle des députés “indépendants” et toutes les organisations satellites chauffent la salle, les “contre” s’inquiètent de ne réagir peut-être qu’à une agitation de courtisans : et si ceux-ci veulent juste forcer la décision de Bouteflika de peur de se retrouver sans tuteur ?
Mais la plus inconfortable des positions reste celle des “hésitants”, comme le PT et le MSP, ceux qui voudraient, mais qui doivent d’abord s’assurer de miser sur une perspective certaine.
Elle est remarquable cette situation où nous nous efforçons d’anticiper les intentions et les activités du Président avant de commenter sa manière de les accomplir ou de ne pas les réaliser. Il n’y a pas longtemps, nous avons prévenu l’opinion qu’il se déplaçait à Constantine, mais quand le voyage n’a pas eu lieu, nous n’avons pas pu lui dire pourquoi. D’abord, par ignorance des vrais motifs et, ensuite, par manque de courage d’étaler nos supputations d’“observateurs” avant de les faire homologuer. Les services concernés ne s’étant d’ailleurs pas avancés sur ce déplacement, ils n’étaient pas dans l’obligation d’expliquer un report qui, officiellement, n’en était pas un.
De la même manière, nous avons formulé les enjeux du voyage présidentiel à Moscou. Au choix, nous pouvions donner la priorité au problème de la tromperie sur la marchandise dans le contrat d’acquisition d’avions de chasse ou à la question du projet d’Opep du gaz. Mais ce sont les règles d’octroi des marchés publics algériens qui semblent avoir fait l’objet d’échanges les plus denses.
Le débat se nourrit donc des dispositions et analyses des seconds rôles, défenseurs et détracteurs, qui se font la réplique en fonction de leurs intérêts ou de leurs convictions.
À ce jeu, la société est exclue de l’établissement de l’ordre du jour. Et même quand elle s’engage, elle ne tient la rampe que le temps d’une diversion. Les fonctionnaires viennent d’observer une grève plutôt réussie de trois jours ; il n’en reste pas beaucoup. Entre la menace judiciaire et l’indifférence politique, le message est vite oublié.
Et on repasse à autre chose : troisième ou pas troisième mandat ?
Mustapha Hammouche