HONTE À VOUS !
Algérie. Insolite. Un écolier, sorti le matin pour aller à l’école, est rentré le soir chez lui après les cours.
Sans encombre.
J’y crois pas !
Enfant, j’ai été élevé par des parents analphabètes dans le respect quasi-religieux de métiers prestigieux. En tête de ces métiers, celui de médecin. Je soupçonne même mes parents, qu’ils reposent en paix, d’avoir émis secrètement le vœu de me voir embrasser un jour cette carrière. Je ne suis pas devenu médecin. Mais j’ai gardé en héritage ce respect de la blouse blanche. Aujourd’hui encore, à mes yeux, il n’y a pas plus beau métier que celui de guérir, d’apaiser les douleurs humaines. Et c’est justement de douleur dont il est question ces dernières heures.
La douleur de voir des médecins et des professeurs en médecine traînés devant les tribunaux comme de vulgaires malfrats au motif qu’ils exercent leur droit à la grève. Je connais quelques-uns des émérites docteurs que l’on a convoqués à la barre des accusés. Ils ont grandi dans la médecine algérienne, avec la médecine algérienne. Ils l’ont grandie, chacune et chacun dans sa spécialité.
Comment a-t-on osé, en 2008, traîner dans une salle d’audience froide et hideuse ces tempes grisonnantes, ces sommités sollicitées partout ailleurs dans le monde ? Qui a pu commettre cette ignominie ? Peut-être les mêmes qui, la main sur le cœur, s’écrient partout, dans des colloques surfaits : «Vous vous imaginez ? Plus de 300 médecins ont fui l’Algérie en 2007 ! » Ben ouais, M’sieur ! Ils fuient le pays nos toubibs.
Parce que chez eux, dans ce qui est supposé être leur pays, ils touchent des clopinettes, ils sont méprisés, ils sont insultés. Et M’sieur, lorsqu’ils décident de ne pas fuir, comme ce vénérable professeur que je connais et qui a choisi, malgré toutes les sollicitations, de bosser ici, dans un bureau en ruine d’un hosto non moins en ruine, ils deviennent des justiciables, des suspects en puissance, des cibles à abattre parce que coupables de revendiquer leur dignité.
Le régime de bananes métastasées qui nous gouverne pourra déclarer illégales toutes les grèves qu’il voudra. Il n’arrivera jamais pour autant à effacer cette vérité tenace, indélébile : un pouvoir qui fait condamner ses toubibs, ses enseignants, ses fonctionnaires et ses scolaires est un pouvoir en phase terminale. Honte à ce pouvoir-là ! Et surtout pas paix à son âme ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
Hakim Laâlam