Les faibles reflets
Avant-hier, Kamel Bouchama, l’ancien ministre de la Jeunesse, mettait en évidence une réalité dont les Algériens n’avaient pas trop conscience ou ne semblent plus lui accorder une grande importance. Avant-hier, il affirmait que le FLN évoluait hors de la société et qu’il ne participait plus à l’entreprise de développement national. Là il faut peut-être préciser que M. Bouchama n’est pas dans l’opposition et qu’il fait partie de la lignée FLN.
Bien plus, Bouchama, perçu comme l’un des jeunes loups du temps de feu Cherif Messaadia, voue une dévotion au Front auquel il vient de consacrer un ouvrage avec un intitulé des plus significatifs : la Réforme ou le musée. Le FLN bataille bien avec l’alliance présidentielle et prend les devants dans la question de la révision de la Constitution ou pour appuyer une autre mandature. De la haute voltige qui peut-être fait oublier au FLN son rôle aux niveaux subalternes, là où les petites bourses ne se réjouissent pas du tout des records du prix du bidon d’huile.
Comment expliquer que le FLN était nettement plus dynamique, qu’il s’acquittait mieux de ses devoirs qu’ils soient internes ou externes, qu’il participait aux grandes décisions nationales, qu’il contrôlait leur application sur le terrain, qu’il s’arrangeait toujours pour être proche du peuple, lorsqu’il n’avait pas de… rival. Voilà plus d’une décennie que le FLN n’a plus l’initiative et qu’il devenait si permissif qu’on pensa même à «l’universaliser» lui, le moustachu ! Loin des valeurs qui ont fait sa gloire, le Front devenait une sorte de brouette, un appareil qui a besoin d’être poussé pour avancer.
Un enchaînement qui fait qu’aujourd’hui le FLN est dans un état que M. Bouchama juge lamentable. 175 membres de la direction du FLN, déclare-t-il, n’ont aucune prédisposition pour la responsabilité alors que 25 autres n’ont, eux, rien à voir avec les rôles dirigeants. Une révélation qui nous aide à mesurer notre dégringolade, lorsqu’on se rend compte que le FLN est le parti majoritaire, donc théoriquement le plus performant, le meilleur ! Les partis, des bons à rien ? Le président Bouteflika avait constaté publiquement il y a déjà quelques années que le souci des partis était de haleter derrière les postes et les privilèges.
Que peut-on y répondre quand on constate la désertion des partis et l’abandon de nos populations pieds et poings liés, à tous les viols, à toutes les attaques, qu’elles soient signées de la main de Fatma ou de la main de l’étranger ? Face à la régression insupportable, il n’y a que la réaction officielle.
Les partis, y compris ceux classés dans l’opposition, semblent indifférents aux émeutes, aux grèves, au phénomène des harragas, des kamikazes et à celui plus récent des «bonzes» – la presse a rapporté mardi et mercredi derniers le cas de deux compatriotes qui avaient tenté de s’immoler, l’un pour avoir été interdit de vendre ses cigarettes sur la voie publique, l’autre parce qu’il restait sans logement – qui semble avoir achevé son incubation. Un abandon qui contribue à noircir la réalité algérienne et à accréditer les études bienveillantes qui savent se rappeler de nous au bon moment.
Comme celle rendue publique le 26 février dernier et qui présente l’Algérie qui a pu débarrasser de sa terre la France coloniale, lorsqu’elle était la 3e puissance militaire mondiale, et qui préside aujourd’hui l’OPEP, plus faible que… la principauté d’Andorre. Il reste une réalité qu’on se doit d’admettre : l’Algérie ne peut pas être aussi forte qu’on en rêve si ses partis, particulièrement le FLN, sont faibles !
Mohamed Zaâf