Social : dialogue ou répression ?

Les médecins attendent la notification de la décision de justice statuant sur leur grève. Au jeu de la légalité, le ministère de la Santé n’a pas intégré la contrainte de la lourdeur administrative des institutions nationales et la lenteur dans l’acheminement du courrier. En attendant de réceptionner le jugement, les concernés s’estiment en droit de poursuivre l’arrêt de travail.

Cette situation où une action est judiciairement interdite, mais pratiquement possible ne serait pas concevable sans ce réflexe qui consiste à se décharger des crises sociales sur l’appareil judiciaire. En voulant jouer au gendarme et au voleur, l’État public se retrouve à jouer au chat et à la souris avec ses employés.

Cette démarche qui consiste à recourir à la justice pour étouffer l’expression des citoyens ne concerne pas les seuls conflits sociaux. Dès que des citoyens manifestent pour revendiquer l’électrification de leur village, un toit à la place de leur bidonville ou des emplois pour les chômeurs, les lendemains de protestations se soldent invariablement par des arrestations, suivies de condamnations. Même au phénomène des harragas, il n’a pas été trouvé mieux que la réponse judiciaire systématique et diligente.

Pourtant, rien n’exprime de manière plus tragique la détresse d’une jeunesse qui ne voit plus son salut que dans une hasardeuse traversée de la Méditerranée. La justice n’est même pas conçue comme un pis-aller dans la solution des questions sociales ; elle est sommée d’empêcher leur expression. Sa fonction est d’étouffer le symptôme pour que le pouvoir politique n’ait pas à affronter le mal.

Le paradoxe est que, dans le même temps, le populisme de ce même pouvoir le conduit à produire un discours de conciliation qui convient de la pertinence des questions posées. Mais pendant que le Chef du gouvernement déclare que “nous sommes ouverts au dialogue”, les ministres déposent une plainte contre les syndicats. Par le verbe, le principe du partenariat social est à l’occasion proclamé, mais les représentants des fonctionnaires sont invariablement traités en agitateurs subversifs. Ils se retrouvent alors plus souvent devant les tribunaux que dans les salles de négociations.

Finalement, c’est le gouvernement qui n’arrive pas à se concevoir dans un rapport social avec des syndicats autonomes. Il n’est pas aisé de renoncer au confort politique que procure le système du syndicat unique, comme il n’a pas été facile de se résigner à l’incommodité du multipartisme. D’autant plus qu’il n’est pas certain de réussir avec le monde du travail l’entreprise de normalisation qui a été accomplie avec les hommes politiques.

La vie syndicale a été accélérée avec l’aggravation des conditions de vie des Algériens. Et le syndicat unique, qui a vocation de contribuer à la paix sociale dans un système de confusion des rôles entre État politique et État employeur, ne correspond plus à la phase actuelle. L’implantation effective des syndicats autonomes dans le monde du travail en est la preuve. Il n’est pas sain d’impliquer une justice qui, par ailleurs, souffre d’imperfections, dans le retardement d’un processus politique.
Le choix entre le dialogue social et la répression devrait aller de soi.

Mustapha Hammouche

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