Sans voix…

Nous avons, en Algérie, les lecteurs parmi les plus réactifs au monde. Quand un journal, un article, une phrase ou même un mot les titille, les désoriente ou leur convient, ils n’hésitent pas. Ils prennent leur plume ou leur souris, ils la trempent dans le nectar de l’éloge ou dans le vitriol, dans le miel ou le fiel et, presque instantanément, ils vous font savoir leur adhésion ou leur réserve.
La lecture de la presse peut aussi les inspirer et elle révèle alors en eux des chroniqueurs aux aguets dans leur inconscient. Il nous arrive de recevoir des réactions de lecteurs qui méritent d’être publiées telles quelles, sans bouger une virgule de peur de perturber la cohérence emplie de punch qui leur est imprimée.

Cette cohérence dans la colère est en soi révélatrice de deux choses. La première est que, de façon générale, et c’est à peine un euphémisme, la situation économique et sociale est loin d’être satisfaisante pour des pans entiers de la population. C’est bien entendu peu dire. Ce qui n’empêche pas qu’on continue à prendre les victimes des injustices sociales pour des victimes concomitantes de la finesse : on leur impose des diversions grosses comme des canulars.

Va savoir d’ailleurs si c’en n’est pas. Comme cette histoire invraisemblable de troisième mandat. La deuxième révélation est un rappel : même s’ils ne sont pas audibles parce qu’on les a rendus inaudibles, nos lecteurs savent rendre coup pour coup démentant, ce faisant, le fallacieux unanimisme autour du pouvoir que l’on veut nous faire passer pour l’opinion publique.

Non, ils s’intéressent au destin de leur pays, à toutes les questions qui s’y rapportent dans les secteurs les plus différents et ils ont cette capacité de décomposer les phénomènes sociaux et politiques. C’est avec intérêt que nous découvrons ces messages qui nous sont envoyés avec l’espoir que nous les relayions pour qu’ils arrivent à d’autres lecteurs. Pour en saisir la couleur et la colère, et la lucidité, nous avons choisi d’en publier intégralement deux.

Ils portent sur des sujets très éloignés l’un de l’autre. Encore que… Le lien est quelque part… Comment fabrique-t-on des harragas ? Réponse de ce médecin : «Je voulais m’adresser à vous juste pour vous exposer un parmi tant d’autres problèmes que nous vivons, nous la société algérienne. Entre autres, celui de ma corporation, des médecins exerçant ici en Algérie, dans nos hôpitaux.

Il s’agit en fait d’un problème de règlement en ce qui concerne l’exercice de cette fonction au niveau de la fonction publique et des applications des lois telles quelles ont été établies. Pour être plus précis, je voulais parler du règlement concernant la démission d’un médecin de la fonction publique. Le règlement stipule (Journal officiel du 16 juillet 2006) que le délai du préavis est de deux mois. Ce délai peut être prolongé par l’employeur pour une raison ou pour une autre justifiée sans excéder deux autres mois. Autrement dit, le délai maximum est de tout au plus 4 mois.

Or au ministère de la Santé, on ne vous délivre le document en question qu’après avoir passé un délai de 9 mois et on vous crie que c’est le règlement et que le Journal officiel, ils n’en ont rien à battre. Je me retrouve, pour ma part, coincé pour avoir démissionné, et ayant trouvé un poste ailleurs, ne pouvant prendre ma nouvelle fonction faute de ma démission non délivrée par le ministère de la Santé. Mon nouveau poste va être tout simplement suspendu et je me retrouverai au chômage.

Pourquoi je vous écris ? Parce que je suis un parmi des milliers qui en ont marre de ce pays et qui a besoin de faire entendre sa voix. On parle des harragas très souvent dans nos quotidiens, on en parle tellement et avec les circonstances et contexte de chacun on est poussé à embarquer dans ces bateaux de fortune. J’y pense sérieusement car je n’ai aucun parent de l’autre côté et je n’ai aucune chance d’avoir un visa pour l’immigration. Vous serez très aimable de bien vouloir glisser quelques mots à ce sujet dans votre chronique, je vous en remercie.» Comment choque-t-on à partir d‘un minbar ?

Un lecteur de Hassi Messaoud explique : «J’ai quelque chose à te raconter : un fait habituel chez nous, il n’est pas sans conséquence lors de la prière d’avant le Nouvel An, ici, à Hassi Messaoud. Un vendredi l’imam, il n’avait rien d’autre à dire que d’interdire aux fidèles présents de souhaiter bonne année 2008 à leurs familles ou autre… Pourquoi ?… Parce que c’est une fête chrétienne Il récidive avec quelque chose de plus grave encore en criant haut et fort que la daïra des Ouadhias de Tizi-Ouzou est en danger ; les chrétiens ont pris la place des musulmans ; on dirait que c’est nouveau chez nous.

Alors que les églises, y en a partout en Algérie, dans toutes les régions d’Algérie avec leurs adeptes. Pourquoi il prend l’exemple de la Kabylie ? N’est-ce pas pour monter une partie de la population contre une autre ? Déjà, le pouvoir divise les Algériens politiquement. Lui, il essaie de les diviser sur la chose qui les unit vraiment (l’islam) en tant qu’Algériens musulmans. Au lieu de dénoncer les attentats contre ses frères algériens et les dépassements, la hogra, la corruption du pouvoir, il a les yeux rivés sur la Kabylie ; il a peur pour le biled el muslimin alors qu’ici, devant sa porte, il y a des chrétiens à Ouargla, Touggourt, Biskra, et j’en passe. Cela me choque beaucoup.»

Arezki Metref

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