Afrique : des sommets et des guerres
L’UA a réservé la part infime de ses débats aux vrais problèmes du continent : ses guerres. Presque à la sauvette, elle a condamné “toute prise de pouvoir par des moyens anticonstitutionnels”, juste avant de clore son sommet.
L’Union, dont le sommet est constitué d’un grand nombre de putschistes “légalisés” par le temps, avait eu la même réaction contre le coup d’État du général Vall en Mauritanie, il y a deux ans. Paradoxe de la constitutionalité à l’africaine, aujourd’hui, ce pays constitue, malgré sa pauvreté, une des fiertés démocratiques de l’Afrique.
Le sommet s’est dédié au… “développement industriel” et à la bonne gouvernance. Manière de botter en touche, pour un continent qui compte une dizaine de foyers d’affrontements et des centaines de milliers de réfugiés. Il se distrait dans l’éloge de la machine pendant que ses États membres et pas mal de mouvements rebelles importent prioritairement, et parfois pour toute technologie, des armes destinées à des guerres interafricaines et intertribales.
Mais l’UA a été, cette fois-ci, rattrapée par ses fuites en avant.
Évincé de la présidence de l’UA en 2007 parce qu’il ne faisait pas un président présentable à la communauté internationale, pour cause de génocide au Darfour, Omar El-Bachir a concocté une mauvaise surprise à ses pairs. Les rebelles tchadiens ne pouvaient déclencher leur marche sur N’Djamena sans l’autorisation du Soudan qui leur sert d’inspirateur, de base et de soutien.
Impossible de faire l’impasse sur la crise du Kenya, en présence de Ban Ki-moon qui passait par là pour aller soutenir les efforts de conciliation de son prédécesseur. L’UA s’est contentée d’appeler ses membres à aider l’État des Comores à étendre son autorité à l’île d’Anjouan, en sécession depuis que le président Bacar s’est indûment fait réélire. Elle a aussi demandé aux États membres plus de troupes pour la Somalie. Résolutions à minima d’une UA loin de disposer des moyens de sa politique si tant est qu’elle ait une politique en matière de maintien de la paix. On l’aurait su avec les précédents du Burundi, du Liberia, de Côte d’Ivoire, du Darfour…
Autant se détourner donc vers le Nepad ; cela ne demande pas de résolutions politiques. Et sur les questions de gouvernance qui, avec la trouvaille de “l’évaluation par les pairs”, se transforme en “mécanisme” d’approbation réciproque.
Entre ces sujets de diversion et des résolutions politiques de dernière minute, l’énergie du sommet est allée la répartition des postes organiques de l’Union et à la gestion des récurrentes chausse-trapes posées par Al-Kadhafi : son projet de “gouvernement africain” et la candidature de Ali Triki à la présidence de la commission, pour cette fois-ci.
Le ministre des Affaires étrangères du Tchad, qui représentait le président Deby resté sur ses terres pour les défendre, conscient de la déficience politique de l’Union, a passé la journée de vendredi à contacter les ambassadeurs d’Europe à Addis-Abeba.
Le sommet est clos. Mais depuis hier, il y a plus de guerres, de morts et plus de pauvreté et de souffrances sur le continent du fait que l’Afrique n’arrive ni à résorber ses crises ni à empêcher que d’autres ne surviennent.
Mustapha Hammouche