La continuité dans la confusion
C’est le ministre de l’Intérieur qui a déclaré : “Comme je l’ai déjà dit, les terroristes n’ont plus qu’un choix : se rendre ou se suicider.” C’est lui qui rectifie : “On a trouvé dans les véhicules qui ont explosé des dispositifs de mise à feu à distance.”
D’un côté, c’est tant mieux qu’ils renoncent à se donner la mort, si le suicide de chaque trio d’entre eux doit nous coûter la vie de trente citoyens. Les faux kamikazes du Palais du gouvernement et du commissariat de Bab Ezzouar ont donc été “assassinés”, parce que le “télécommanditaire” n’a pas respecté le casting.
On peut dire les choses comme ceci et même s’en émouvoir, maintenant que grâce à la réconciliation nationale, on compte parmi nous Kébir et Hattab pour réprouver la violence terroriste et s’émouvoir de son sanglant effet. Nous sommes d’ailleurs invités à prendre parti entre Hattab et Droudkel : le premier, souverainiste indécrottable, tient au national GSPC ; le second, un tantinet traître, voudrait l’offrir à l’autorité étrangère de Ben Laden et le débaptiser en al-Qaïda pour le Maghreb islamique. Le premier voudrait se rendre, nous dit-on, et le second l’en empêche. Comment ? Mystère. Et pourquoi alors tiendrait-il tant à son GSPC ? Mystère bis.
On n’a pas de nouvelle de la procédure que “le tôlier”, fondateur du GIA, devait initier à l’encontre du roi du Maroc pour soutien au terrorisme. Mais tout est possible. Le tout n’est-il pas de maintenir la confusion ? Qu’importe si naturellement la confusion profite d’abord au crime : beaucoup y trouvent avantage. Et surtout avantage politique.
Le tout est surtout de confondre “réconciliation nationale” et lutte antiterroriste. Comme confondre la protection d’une faune sauvage et sa chasse, il s’agit de réconcilier les contraires, jusqu’à les identifier. Il suffira alors, en les superposant, de mettre “la réconciliation” au-dessus pour estomper puis annuler la lutte contre le terrorisme.
Et si les faits démentent l’artifice — sans mauvais jeu de mots —, il suffira d’insister. De nous inviter instinctivement à venir confirmer la coïncidence entre les deux attitudes, de combat et de fraternisation. Et puisque l’heure est grave et la méprise pas évidente pour tous, il faut faire mieux. Mieux qu’un référendum qui nous convoque comme électorat et que les mauvaises intentions peuvent soupçonner de fraude.
Il faut que nous demandions instinctivement, et par nous-mêmes, à marcher pour le soutien des deux. Ce qui fut fait. Qu’importe qui d’entre nous a pris l’initiative de nous engager dans ces marches, trop spontanément, trop vite. L’administration, toujours prête à encadrer l’expression populaire, fera, avec la diligence qu’on lui connaît, en sorte que nous soyons nombreux et que les mots d’ordre et les rues soit instantanément apprêtés. Et les salles — parce qu’on ne va tout de même pas habituer les gens à marcher dans les rues d’Alger.
La prouesse est là : le terrorisme, en se faisant plus provocateur, donne motif à soutenir la politique de confusion qui, vainement, prétendait le faire reculer.
Mustapha Hammouche