L’ÉCONOMIE MAROCAINE FAIT LE PARI DE LA MONDIALISATION
Une facture pétrolière de 3,5 milliards de dollars en 2006 qui n’a pas empêché la constitution de réserves de change de 23,6 milliards de dollars (soit 8,4 mois d’importations), l’économie marocaine, non pétrolière s’il en est, montre aux observateurs que même en supportant lourdement la hausse importante des prix pétroliers mondiaux, est capable d’afficher des fondamentaux plutôt favorables.
Une dette extérieure de 22% du PIB, soit 15,9 milliards de dollars, une dette publique globale de 58% du PIB, un déficit budgétaire maintenu à 2,5% du PIB, une inflation soutenable de 3,3% : les clignotants financiers ne sont pas au rouge. Loin s’en faut. Tout comme en Algérie, même si c’est à un degré moindre, (et pour cause l’une est grande exportatrice d’hydrocarbures et l’autre grande importatrice de ces mêmes hydrocarbures. Il est vrai que le Maroc valorise au mieux deux «secteurs» qui sont de véritables piliers économiques : le tourisme et les transferts des Marocains résidant à l’étranger. De plus en plus, un troisième pilier apparaît : celui des investissements directs étrangers (IDE). Près de 3 milliards de dollars en 2006 (soit autant qu’en 2005) et l’année 2007 s’annonce aussi prometteuse. L’attractivité du site Maroc s’améliore de plus en plus. Elle se construit bien évidemment et de plus en plus efficacement. En 2006, 300 000 emplois nouveaux ont été créés et le revenu réel par habitant a augmenté de plus de 6%. L’économie marocaine souffre pourtant, comme chacun le sait, d’une production agricole bien volatile soumise à l’aléa climatique et quand «la pluie n’est pas là», la croissance économique n’est pas là non plus. On peut simplement rappeler les évaluations erratiques de la croissance économique à cause de l’instabilité de la production agricole. Ainsi, le tableau qui suit se passe de tout commentaire :
Année
Taux de croissance du PIB
2002
2003
2004
2005
2006
2007
3,3%
6,1%
5,2%
2,4%
8%
2,5%
C’est la maréchal
Lyautey qui rappelait : «Au Maroc, gouverner, c’est pleuvoir !» Mais le Maroc a un secteur privé dynamique. La formation brute de capital fixe (équivalent à l’investissement) représente 30,3% du PIB dont 27,7% sont réalisés hors Etat. L’épargne globale est de 32,1% du PIB dont 28,8% sont réalisés hors Etat. Une stratégie commerciale dynamique et une autre industrielle bien pensée permettent à l’économie marocaine de relever le défi de la mondialisation libérale. L’accord d’association avec l’Union européenne ouvre à l’économie marocaine l’immense marché européen, ce qui encourage les investisseurs étrangers à produire au Maroc et accéder ainsi à ce vaste marché. Mais le Maroc a aussi signé des accords de libre échange avec la Tunisie et l’Egypte (les accords d’Agadir) avec les USA, et la Turquie : cette ouverture commerciale régionale et bilatérale élargit pour les investisseurs étrangers le marché marocain à celui de ses partenaires. Selon le vieux principe de la règle d’origine du produit qui déclare produit marocain tout produit dont la valeur ajoutée est à 48% marocaine. Bonne perspicacité des policy makers marocains qui rendent ainsi l’économie marocaine attrayante pour les grandes firmes qui cherchent à délocaliser leurs sites de production pour réduire les coûts de production et se rapprocher de marchés importants. Et cette libéralisation et ouverture commerciale est confortée par la nouvelle stratégie industrielle adoptée et mise en œuvre au Maroc («Emergence») qui inscrit l’industrie marocaine dans les chaînes de valeur internationales . Nous savons que les firmes internationales segmentent de plus en plus leurs process de production et externalisent les pans entiers de ce process de production. Le Maroc a pris la décision de se doter de facteurs compétitifs pour attirer ces externalisations sur son territoire : formation d’ingénieurs marocains de haut niveau dans différentes disciplines, formation de commerciaux qualifiés, développement des pôles intégrés entreprises-universités, autorités locales, développement des technologies d’information et de communication. C’est ainsi que le Maroc devient équipementier des grands avionneurs dans certains segments. C’est ainsi qu’il devient assembleur en partenariat avec les constructeurs automobiles ; c’est ainsi qu’il se lance dans la fourniture de services informatiques et de traitement de certaines fonctions de gestion anciennement internalisées par les firmes internationales. De même, le Maroc construit actuellement à Tanger un véritable hubb portuaire, point de dispatching stratégique entre l’Europe, l’Afrique, l’Amérique latine et l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Très grand projet qui va incontestablement stimuler l’économie marocaine et créer des flux croisés de transactions. Le domaine des infrastructures n’est pas en reste : autoroute Rabat-Oujda, TGV en projet avancé avec la SNCF française… L’économie marocaine se modernise en utilisant ses moyens, ses atouts, et la pauvreté qui frappe encore beaucoup de Marocains, faut-il le souligner, n’est pas vécue comme une fatalité. De même, les Marocains ont choisi de ne pas vivre la mondialisation libérale de l’économie passivement, sans se bagarrer. Cet exemple de détermination, de volonté, d’imagination dans le domaine économique mérite d’être rappelé. Il reste bien sûr à suivre si les mêmes progrès dans les domaines des démocraties politique et sociale seront accomplis et si le roi accepte de mettre fin au jeu de la «démocrature » selon le bon mot de l’opposant Serfaty.
Abdelmadjid Bouzidi