Les ressorts intacts de la confusion

Le «qui tue qui» a de beaux jours devant lui. Ce chauffeur de profession, Algérois dans tous ses gestes, ses expressions, ses attitudes, son amour immodéré du chaâbi, son attachement à Zahi, ses façons d’affronter les difficultés de la vie, m’en a donné la version «populaire » : les attentats, cela sert à nous faire taire.

C’est simple : dès que les augmentations des prix deviennent insupportables et que les travailleurs et le petit peuple risquent de bouger, les attentats viennent leur rappeler qu’ils ont le choix entre survivre au petit feu de la misère, chaque jour aggravée, ou mourir tout de suite dans un retour des années de sang. Face à cette menace de la mort violente et immédiate, qui, de surcroît, peut atteindre ses enfants, mon copain chauffeur m’explique qu’il ne nous reste plus qu’à accepter notre condition, toutes les flambées des prix, toutes les dégradations de nos revenus etc. etc.

Il faut être Algérois pur sucre pour développer ce point de vue de ceux à qui on ne le fait pas. Et pourtant, il y a un fond de vérité dans ce qu’il me dit. Tout au long des années de sang, les travailleurs ont remisé leurs revendications, accepté les orientations antipopulaires du pouvoir, car ils pensaient plus urgente la sauvegarde de la nation, de son unité.

Et dans ces heures difficiles où les caisses étaient vides, ils n’ont pas combattu les conditions imposées par le FMI. Au nom d’un combat qu’ils croyaient commun à l’Etat et à la société. Vous connaissez la suite : au bout du tunnel, tous ces travailleurs qui ont résisté de toutes leurs forces, notamment les enseignantes dont celles de Sidi- Bel-Abbès, se retrouvent en face de dirigeants qui leur disent : adieu vos rêves d’égalité, de justice, de droit, de dignité ; place au libéralisme et au réalisme de l’économie de marché ; il n’existe d’autre choix pour vous que d’accepter d’être au bas de l’échelle et avec l’«ordre naturel» des choses qui écrase les faibles et donne aux riches et aux puissants.

Pour les enseignants c’est pire. Les traîner devant les tribunaux pour faits de grève ! Après ce qu’ils ont consenti ! Quelle honte et quelle ingratitude de la République ! Là s’arrête la part de vérité : le terrorisme a eu aussi pour fonction de gêner les luttes sociales pendant des années et leur reprise est un signe puissant qu’il faut correctement décoder.

Et là s’arrête la part de vérité de mon copain chauffeur : dans l’inversion, l’ordre des causes et des effets. Mais, il nous indique clairement que la base psychologique et mentale existe pour le brouillage des pistes et pour mettre les consciences dans les pires confusions.

MOHAMED BOUHAMIDI

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