La route de la Maison-Blanche

Au nombre des séries télévisuelles de ces dernières années, figure en très bonne place 24 heures chrono (24) qui en est à sa septième saison, la huitième étant déjà programmée pour 2009.

Créé en 2001 par Robert Cochran et Joel Surnow, cette série a connu un immense retentissement du fait de son caractère subliminal qui la rattache pourtant directement à l’actualité du fait que 24 heures chrono est né dans la foulée immédiate des attentats du 11 septembre 2001, même si ses créateurs brouillent habilement les pistes.

Cochran et Surnow rebondissement de fait assez nettement sur les impératifs de lutte anti-terroriste que s’est assigné le président américain George W.Bush au lendemain de la destruction des Twin Towers. Les deux scénaristes ont créé un archétype, l’agent spécial Jack Bauer (Kiefer Sutherland), pilier de la cellule anti-terroriste de Los Angeles et héros taillé en surhomme qui met en échec toutes les atteintes à la sécurité des Etats-Unis. Cochran et Surnow travaillent ce personnage à traits forcés, ce héros américain invincible qui parvient toujours à se sortir des situations les plus désespérées.

Parmi la galerie des personnages de 24 heures chrono, se détache incontestablement la figure de David Palmer, le président des Etats-Unis. David Palmer, Afro-Américain, anticipe sur l’évolution de l’Amérique qui, il y a quelques dizaines d’années, était encore sous l’emprise de la ségrégation raciale. L’idée d’un tel personnage peut paraître originale, elle n’est en réalité pas nouvelle.

L’hypothèse d’un président des Etats-Unis noir était apparue dans le roman à très grand succès The Man (1964) de l’écrivain scénariste américain Irving Wallace (1916-1990) auteur d’une fiction prémonitoire. Irving Wallace, qui a écrit plus d’une trentaine de romans, a pu vendre durant sa carrière littéraire plus de 194 millions d’exemplaires de ses divers romans.

Il a imaginé, dans The Man, une situation où Douglas Dilman, à la suite d’une série d’empêchements au sommet de l’Etat, dont celle du président élu et de son second, devient le premier président noir des Etats-Unis. Irving Wallace avait écrit son roman vingt ans avant que le révérend noir américain Jesse Jackson (1941) ne présente sa candidature à l’intronisation par le Parti Démocrate à l’élection présidentielle.

Militant connu et respecté des droits civiques, Jesse Jackson n’a jamais pu franchir le cap malgré sa popularité qui n’empêchera pas d’autres candidats, tels que Bill Clinton, Al Gore et John Kerry de défendre tour à tour les couleurs du Parti Démocrate. Jesse Jackson fut en fait un honorable candidat à la candidature davantage qu’un postulant en mesure d’entrer à la Maison-Blanche.

C’est ce qui le distingue aujourd’hui de Barack Obama qui bénéficie d’une conjoncture favorable qui le rapproche davantage de la Maison-Blanche qu’en son temps Jesse Jackson. C’est une autre époque qui s’ouvre et il est indiscutable que c’est l’action de militants de grande lignée, tels que Jesse Jackson, qui a ouvert la voie à l’émergence d’une personnalité telle que Barack Obama. Cela ne fait pas de l’éminent pasteur, éliminé à chaque fois en cours de route, le premier candidat afro-américain susceptible d’entrer à la Maison-Blanche comme Barack Obama peut en avoir la chance.

Un tel cas de figure aura été compris par avance par des écrivains comme Irving Wallace ou plus tard Toni Morrisson dont l’imaginaire a transcendé les résistances les plus solidement ancrées dans les tréfonds de la société américaine. Il est clair que c’est dans l’espace de l’écriture et des images que les tabous et les préjugés ont pu être attaqués et que les contentieux raciaux ont pu être mis en débat public. Même une série grand public telle que 24 heures chrono s’inscrit dans ce mouvement émancipateur au regard du poids des interdits qui pesaient lourdement sur les communautés, notamment Afro-Américaine, aux Etats-Unis.

David Palmer est à cet égard dans la continuité du Douglas Dilman mis en œuvre par Irving Wallace il y a plus de 43 ans maintenant. Barack Obama avait alors trois ans et nul n’aurait pensé qu’il serait un jour en lice pour pouvoir être ce premier président américain noir décrit par Irving Wallace. Il arrive que la réalité rejoigne la fiction même si pour cela elle prend tout son temps. Les scénaristes de 24 heures chrono ont, pour leur part, compris et retenu la leçon.

Amine Lotfi

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