La fureur de lire

Le salon du livre offrira à l’appréciation du public la coquette quantité de 82 000 titres et ce, malgré une diminution des ouvrages exposés, l’option étant cette fois-ci résolument portée moins sur le volume que sur la qualité, selon l’organisateur, le DG de l’ANEP.

Si le spectacle connu lors des toutes premières « foires du livre » des années 80, celui de foules se bousculant à l’entrée et devant les rayons, avec des professeurs d’université et autres cadres supérieurs faisant la queue pendant des heures pour acheter deux ou trois livres, est à inscrire dans les hauts faits de la nostalgie, il n’est par contre pas exclu que le réflexe de la lecture reprenne sa noble place dans les familles et la société.

Cependant, force est de reconnaître, même si les pouvoirs publics semblent s’être rendus compte de ce cheval de Troie, versant subversion, que les islamistes se sont arrogés le rang de premier bénéficiaire des salons du livre. Il n’est, ou plutôt il n’était, que de voir ces files de barbus poussant des charrettes entières de livres, à réexpédier vers les villes de l’intérieur, pour se convaincre que ce zèle à s’approvisionner en « culture islamique », au demeurant ne comprenant que rarement des écrits d’exégètes, d’ijtihad ou de droit canon, n’était pas confiné à la seule préoccupation de la revente ou autre souci uniquement commercial.

En tout cas, il faut leur reconnaître ce mérite, celui de se mobiliser autour d’une tâche ou d’un mot d’ordre et il ne suffit pas d’interdire quoi que ce soit pour s’imaginer, pas plus qu’on n’éteint une fièvre en cassant le thermomètre, que cette soif de lire va s’éteindre par absence de produits intégristes. Il est vrai que beaucoup d’efforts sont déployés pour reconquérir des espaces de lecture et réinjecter le souffle de la lecture dans la masse citoyenne, notamment la frange juvénile.

Il faut dire, aussi incroyable que cela puisse paraître, qu’un grand nombre, voire la majorité d’écoliers, de lycéens et même d’étudiants, n’ont jamais lu un roman, ni tenu entre leurs mains un recueil de poésie. Cette calamité pourvoyeuse d’incultes dans le monde du travail est un désastre national. On constate bien qu’il y a, selon des informations qui inondent les pages culturelles et les bilans des centres éponymes, ouvertures de bibliothèques, un peu partout.

C’est faux, archi-faux, parce que dès que l’officiel qui aura inauguré la salle de lecture sera reparti (inaugurer d’autres leurres…), la soi-disant bibliothèque fermera ses portes au nez et à la barbe des enfants et de leurs enseignants, pour se transformer aussitôt au mieux en salle de jeux, au pire en foyer pour araignées.

Comme en tant d’autres domaines, l’on voit un fossé béant qui sépare les intentions et même les actes des pouvoirs publics d’une part, et de l’autre la triste réalité des faits, qui transforme les plus nobles actions en démagogie et en voeux pieux et trompeurs. Le prochain salon du livre est une réelle volonté de réhabiliter la lecture publique et de mettre le livre à la portée du plus grand nombre.

Le reste, c’est à la société entière de l’ancrer dans les habitudes quotidiennes et d’amplifier son impact. Par définition, un initiateur ne fait que lancer une activité, aux autres de prendre le relais, ici celui de prolonger le réflexe de lire.

Nadjib Stambouli

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