Chante Faudel, chante !
La pression est tellement grande que le chanteur de raï Faudel a dû inventer une histoire de ” fidélité à une vieille amitié qui n’a rien à voir avec la politique “. Ce serait donc par fidélité à un homme avec qui il aurait partagé une relation de la vie plutôt que pour quelque conviction commune que le petit beur à la face d’ange avait soutenu le candidat de l’UMP, devenu président de la République française.
Ce n’est pas tant l’argument, à l’évidence tiré par les cheveux, que l’on retiendra de cette histoire, mais le fait même qu’un artiste- français des fois qu’on l’aurait oublié- ait été obligé de justifier son choix dans une compétition électorale qui engage l’avenir immédiat de son pays. Plus préoccupant encore, ce n’est apparemment pas le fait de ” se mêler de ce qui le regarde ” dans l’absolu qui est apparemment reproché à Faudel, mais le fait d’avoir opté pour un candidat plutôt que pour un autre.
Doc Génico , Johnny Halliday ou Mireille Mathieu auraient donc toute la latitude d’exercer un droit consacré par la Constitution française et pas Faudel, sous prétexte qu’il a des origines algériennes qui le condamnent de facto au ghetto ou le fixent pour l’éternité dans une famille politique ” naturelle ” qu’on aura choisie pour lui. Il aura beau chanter ” C’est ici que je suis né “, il restera ainsi l’Arabe de banlieue dont on fixe le destin à la périphérie des barricades plutôt que sur la scène du succès.
Déroutant retournement de l’Histoire, ce sont les ” siens ” qui le rappellent à l’ordre. Et de quelle manière ! Par l’invective et le procès d’intention, inspirés d’ici ou encore cultivés là-bas, on lui fait sentir ” sa trahison ” en attendant qu’il la paye. Sous l’œil bienveillant d’une gauche qui cultive toujours l’illusion d’une main basse sur les banlieues en dépit de la réalité, un artiste de l’Hexagone est en train de se faire lyncher.
Comme Rachida Dati, le garde des Sceaux sur laquelle les socialistes ont lâché leurs puissants relais dans le corps de la magistrature pour ” contester ses méthodes “, comme Fadhéla Amara dont Sarkozy a eu l’idée saugrenue de faire une ministre alors qu’elle devait choisir entre être ” pute ” ou ” soumise “, Faudel n’a pas besoin de fournir des explications. Surtout pas à ceux qui, manifestement l’apprécient pour ce qu’il ” devrait ” être et faire. Et s’ils sont déçus, s’ils sont furieux contre une liberté, la sienne, c’est qu’ils ne sont vraiment pas intéressants pour l’artiste qu’il est.
Ils ne sont pas plus intéressants, ceux qui, à partir d’ici, s’invitent régulièrement aux débats franco-français, souvent en mettant les pieds dans le plat. Parce qu’ils convoquent à chaque fois des paramètres d’appréciation dépassés et des sentiments qui ne suffisent plus à l’analyse, quand ils ne la faussent pas, ils se mettent ” hors champ ” des enjeux réels, se découvrent des ennemis qui ne le sont peut-être pas et croient entretenir des amis qui ne le sont plus. Chante, Faudel, chante et surtout, ne te justifie pas. Tu n’en as pas besoin et puis, tu le fais très mal.
Slimane Laouari
P.-S. : Au débat organisé par le Forum des chefs d’entreprise auquel j’ai assisté hier, j’ai retrouvé un prof d’économie marxiste qui ne l’est plus, un autre tellement blanchi que je ne l’ai pas reconnu et un ami de la fac qui a oublié mon nom. Soirée instructive et agréable, sauf qu’elle ne m’a pas rajeuni.