Quadrature du cercle et des prix

Entre les puristes, tenants de liberté totale du marché, donc des prix, au nom de… la liberté du marché, et ceux qui voudraient voir (ré) émerger un Etat interventionniste qui cadre et balise tout et, à la limite, décrète la loi de l’offre et de la demande, vaste est l’espace qui permet d’éviter l’anarchie, parfois douloureuse pour les petites bourses, en optant pour la régulation, qui n’est pas synonyme de toute puissance de l’Etat dans la fixation des prix.

Au-delà des débats d’école, et quel que soit le système économique adopté, le rôle premier d’un Etat est d’assurer la protection de ses citoyens contre toute forme d’agression, y compris celle qui limite à l’extrême son pouvoir d’achat, le laisser-aller étatique en ce cas pouvant lui retourner en effet boomerang sous forme d’explosion sociale.

En tout état de cause, la liberté de marché est aussi une question de culture ainsi qu’une affaire de tout un arsenal juridique, notamment le dispositif législatif fixant des règles à la loyauté de la concurrence, celles de la facturation, du respect des normes de qualité et tant d’autres éléments visant à libérer le flux commercial hors de tout monopole, tout en dressant des remparts protégeant le bien-être du citoyen. S’adonner à la pratique commerciale, surtout à un niveau de négoce, est une vocation, un choix de vie qui ne saurait être comprimé dans le choix du gain, facile qui plus est.

Or, il se trouve que la spéculation, mot qu’on croyait enterré dans le même caveau idéologique que l’économie planifiée et centralisée dont la spéculation était un effet pervers, a refait surface, avec un retour en force, que ce catalyseur qu’est Ramadhan ne fait qu’accentuer.

Par la magie du stockage de spéculation qui consiste à garder la marchandise pour induire sa rareté, donc sa cherté, on se retrouve dans le paradoxe d’être l’un des rares, sinon le seul pays au monde où le fruit, réputé précieux, ici la banane, coûte plus cher que le légume, à savoir la pomme de terre, féculent connu dans les mercuriales sous les cieux les plus arides, comme étant très abordable.

L’Etat agit certes, mais juste pour constater les dégâts. Aucune sanction n’a été infligée aux importateurs qui, par méconnaissance des normes de stockage, donc par absence de culture commerciale, voire de culture tout court, ont laissé pourrir cette sacrée pomme de terre, créant ainsi une nouvelle pénurie, alors que l’importation massive était censée la supprimer.

L’inconvénient, pour ne pas dire le malheur, c’est qu’au fil du temps, et l’appétit venant en mangeant, il s’est créé une caste d’importateurs devenus intouchables, dont l’adresse se résume à une boite postale, le siège social à un téléphone fax et le compte en banque à un sachet plastique, noir évidemment.

Les prix des fruits et légumes et autres produits de première nécessité semblent enfin mériter le statut de haute préoccupation politique, puisque Bouteflika a abordé la question en termes de solutions de fond et non pas de palliatifs conjoncturels, en faisant l’inévitable lien avec la dépendance alimentaire et avec la nécessité d’un surcroît de production nationale.

Bien maîtrisée, une politique (parce que c’en est bien une) des prix est source de sérénité sociale. Laissée aux mains d’une « liberté monopolistique» des prix, elle se transforme en arme à double tranchant, en bombe à retardement et en bouillon de culture de la colère et de la révolte sociales.

Nadjib Stambouli

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