SHIRIHANE, CO-ÉPOUSE ET SATISFAITE

Tant pis ! Je ferai une entorse à la loi de proximité dont j’ai toujours prôné la stricte observance. Je ne m’attarderai pas sur la déclaration commune de MM. Aït Ahmed, Mehri et Hamrouche. Même si j’ai un immense respect pour le premier, je me méfie du second et je ne suis pas encore sûr que le troisième soit le bon. Hormis cela, je crains que leur discours n’ait été couvert par les clameurs des “imams d’Apreval”. Foi de chroniqueur objectif, j’aurais prêté une oreille plus attentive si ce grand retour avait eu lieu un autre jour.

Quoi qu’il en soit, toute initiative est la bienvenue dans ce climat de morosité et de morbidité. Je suppose que ce trio, quelque peu hétéroclite, va se faire canonner mais il échappera à deux attaques au moins : celle dirigée contre les capitales étrangères (encore que…) et la charge furieuse contre les laïcs. Et sur ce deuxième point, je ne dirai qu’une chose : chaque fois que les hommes s’attaquent en masse à une idée, par ignorance ou par calcul, elle finit par triompher. Pour ce mois de Ramadan qui nous revient cette année avec son lot de petits bonheurs et de grands drames, retenons ceci : contre toute attente, la crainte de Dieu n’a pas encore pénétré profondément la corporation des commerçants. Idem pour les chauffeurs de taxi qui ne feront pas grève pourvu qu’on les laisse “jumeler”, c’est-à-dire taxer leurs passagers selon la mine et, bien sûr, la longueur du tronçon. C’est encore une question de morale et de civisme, matières qu’on n’enseigne pas dans nos écoles, en dépit de ce qu’en dit le ministre de l’Education. Une histoire vraie pour illustrer le propos : juste avant le Ramadan, trois dames d’une même famille prennent un taxi. Naturellement, elles poursuivent la conversation qu’elles avaient entamée avant de monter dans la voiture. Au bout d’un moment, et apparemment excédé, le chauffeur se tourne vers ses passagères et leur dit : “Vous ne pouvez pas parler comme tout le monde ?”. Vous l’aurez compris, ces dames parlaient en kabyle, ou “tamazight” telle qu’elle n’est pas enseignée à l’école. L’une d’elles lui répond sèchement qu’il est là pour conduire et non pour écouter ses passagers. Imperturbable, le chauffeur répond que “c’est sa voiture”. Et comme c’est un intolérant de niveau trois sur l’échelle de Karadhaoui qui en compte neuf, il a eu la gentillesse de ne pas faire descendre ses clientes (1). Imaginez alors ce qui se passe dans les sphères plus élevées et admettez, avec moi, que si la crainte de Dieu n’a pas saisi les spéculateurs, elle n’est pas près d’épouvanter de plus grands coupables. C’est pour cette raison que je n’ai pas voulu m’appesantir sur ce qui aurait dû être l’évènement du mois, voire de l’année, s’il avait eu lieu un autre jour. Je pense qu’un revenant, aussi bienintentionné qu’il soit, doit peser le pour et le contre avant de ressusciter le vendredi. Ce n’est pas de bon augure pour la liberté et la démocratie, régulièrement fustigées et excommuniées ce jour-là. En matière de retour, j’ai reçu comme une bouffée d’oxygène la nouvelle du come-back médiatique de la fantastique Shirihane. L’actrice égyptienne a, en effet, répondu en direct la semaine dernière aux questions des téléspectateurs de la chaîne Al-Youm. C’était au cours de l’émission à succès “Le Caire, aujourd’hui”, animée pendant plus d’une heure et demie par Omar Adib. La talentueuse Shirihane est pratiquement cloîtrée et éloignée des plateaux, depuis plus de cinq ans à cause d’un cancer tenace. La vedette inégalée des “Fawazirs” du Ramadan a raconté sa lutte contre la maladie, “une épreuve de Dieu”, et ses pénibles séances de chimiothérapie tous les trois mois. Interrogée par l’acteur Cherif Mounir qui lui demandait les raisons de sa retraite, elle a affirmé que ce qui se faisait en Egypte était bien mais ne cadrait pas avec ses talents propres. “Je ne suis sans doute pas à la mode actuellement, a-t-elle ajouté. Ce à quoi Cherif Mounir s’est empressé de répondre : “C’est Shirihane qui fait la mode et non pas l’inverse.” L’actrice a cependant souligné qu’elle était prête à tourner à nouveau dans une comédie musicale si le rôle lui convenait. Le scénariste Yasser Abderrahmane a, quant à lui, répliqué que la seule comédie musicale qu’il écrirait à l’avenir serait pour Shirihane. Cette dernière a aussi conversé longuement avec plusieurs artistes égyptiennes, dont Yusra et Nelly. Parlant de sa vie familiale, Shirihane a évoqué son mari, le milliardaire jordanien Ala Al- Khaouadja, qu’elle “ne remerciera jamais assez pour les attentions et la tendresse qu’il lui prodigue”. Elle a également été très élogieuse envers sa co-épouse, l’actrice Issaad Younès, qui a été pour elle “une sœur et une amie fidèle, toujours à ses côtés”. Pour ceux que le terme de coépouse aurait choqués, je précise qu’il n’y a pas d’autres termes. Shirihane est co-épouse et elle est satisfaite de son sort, semblet- il. C’est une merveilleuse artiste, une grande dame, elle reste quand même la seconde épouse de Ala Al-Khaouadja, et de sa propre volonté. Issaad Younès dirige une société de production cinématographique lancée par son mari bigame. C’est elle qui a racheté les originaux de quelque deux cents films égyptiens, dont de grands classiques, au grand dam des intellectuels égyptiens. Ces originaux ont été ensuite vendus au prince saoudien Walid Ibn Talal, propriétaire du bouquet Rotana (2). Ce sont ces films que diffuse actuellement Rotana Aflam, l’une des chaînes du bouquet. Autre retour, assez controversé, celui du feuilleton Khaled Ibn Alwalid. Des chaînes de télévision avaient déprogrammé ce feuilleton, l’année dernière, à la suite de protestations religieuses. Comme pour le film Errissala, les théologiens du système ont condamné l’apparition d’un Compagnon du Prophète. Cette année, une mystérieuse fetwa semble avoir convaincu les plus réticents. En matière de feuilleton, encore, les Saoudiens font campagne avec un inédit et en exclusivité : ce sont les confessions d’un kamikaze saoudien qui a échappé de justesse à la mort au début de la guerre à Baghdad. Ces récits repentants tendent à faire oublier les informations qui font état de quelque huit cents Saoudiens enrôlés par Al Qaïda en Irak et ailleurs. A la télévision encore, les Saoudiens remettent ça avec une vraie fiction, le fameux Tach ma tach. Ce feuilleton a, cette fois-ci, une mission précise : combattre l’extrémisme. Mais comme les Saoudiens sont wahhabites et qu’ils se placent au centre, la satire doit viser les extrémistes de tous bords. En l’occurrence, les terroristes et les libéraux sont placés sur le même niveau. Bien sûr, les libéraux sont laïques et donc apostats, par décret des potentats qui nous gouvernent. Avec cette logique, Ben Laden a plus d’une terre hospitalière à sa disposition. Si tant est qu’il soit toujours proscrit.

Ahmed HALLI

(1) Pour bien voyager en taxi à Alger, il faut strictement suivre ces deux consignes :
a) laisser le chauffeur choisir la destination de votre déplacement ;
b) lui faire la conversation et dans une langue qu’il assimile. Quelques invocations seraient appréciées si vous voyez le CD du “Verset de la Chaise” suspendu à son rétroviseur. C’est un honneur pour vous d’être transportés dans un véhicule consacré ;
(2) un bouquet très comme il faut et respectueux de la morale islamique. Les clips “ollé ollé” s’arrêtent le vendredi à l’heure de la retransmission de la prière.

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