La totale
Passe encore pour la malvie. Cela fait une éternité que nous sommes les compagnons inséparables de la malvie ! Nous nous aimons tellement qu’il suffit d’une petite séparation pour nous laisser totalement dépaysés, déboussolés ! Quoi ? Vivre sans la malvie ? Mais c’est carrément impossible ! Tu nous vois, gais et sereins, courir sur le gazon, vivre au milieu des roses et des arbres ? Tu nous vois, propres et en bonne santé, arborer un large sourire au moment de monter dans des bus étincelants ? Tu nous vois faire une chaîne sans bagarres au guichet d’une mairie ou d’une poste ? Non ! Je n’imagine pas des Algériens vivant en Algérie avoir droit à une vie décente, convenable, moderne semblable à celle que mènent les autres humains.
Par exemple, des Algériens allant chaque fin de semaine au théâtre ou choisissant, dans les pages spectacles de leurs quotidiens, le film qu’ils iront voir en famille, ou encore sortir au restaurant sans se ruiner. Je n’imagine pas des Algériens accueillis avec courtoisie par les agents de l’administration ou les flics d’un commissariat ! Je n’imagine pas un ministre penser sérieusement au bonheur du peuple. Il le dit et le clame très fort devant les caméras de l’Unique,mais en cachette, il téléphone à son fils : “Tu es bien là-bas ! Tant mieux, parce que ici, c’est la merde !” D’ailleurs, beaucoup de nos hauts responsables sont satisfaits des belles réalisations du canton de Genève : cela permet à leurs familles de vivre dans un cadre agréable. Ils sont satisfaits et je crois même que, lorsqu’ils rencontrent les responsables genévois, parisiens… londoniens, ils les félicitent ! Je n’imagine pas un village ou une ville algérienne à l’urbanisme achevé une fois pour toutes c’est-à-dire une ville semblable à toutes celles où l’on vit normalement, sans avoir à souffrir quotidiennement de la poussière, des routes cassées, des trottoirs faits et refaits, des odeurs nauséabondes et du désordre créé par les nouveaux commerçants qui ont, unanimement, décidé d’occuper les trottoirs ! Je n’imagine pas un seul hôpital où l’humanité n’est pas dans le service de réanimation. Des mouroirs où le pistonné et le responsable sont accueillis à bras ouverts et où les simples citoyens sont traités comme des chiens. D’ailleurs, nos hauts responsables sont très satisfaits de la qualité des soins prodigués dans les cliniques et les grands hôpitaux genévois ou parisiens. Je pense que, lorsqu’ils rencontrent les patrons de ces structures, ils s’empressent de les féliciter ! La maman ou le papa ont été sauvés de justesse ! Quant à nous, et dès qu’un mal chronique pointe, — que Dieu vous en préserve — nous savons qu’il faut vite chercher une connaissance dans le milieu hospitalier, sinon, il arrivera ce qui est arrivé à tant de parents et d’amis. Et quand nous évoquons les sujets pénibles, on nous répond parfois que l’heure est arrivée ! Oui, elle arrive toujours l’heure, mais lorsque l’on se fait soigner à coups de milliards dans les hôpitaux français ou américains, c’est toujours mieux que de pourrir au pavillon des exclus de Sédrata ou de Bir- Ghbalou ! Passe encore pour la malvie ! Nous méritons amplement le classement qui est le nôtre dans ces statistiques ayant miraculeusement échappé au visa de M. Belkhadem. Des statistiques internationales objectives et sans arrière-pensée politique qui nous disent, d’une manière claire et nette, que nous sommes les bons derniers en matière de qualité de la vie ! Voilà ! Et ce n’est pas un article de ces “vendus à l’étranger” ou des “perturbateurs et des terroristes de la plume” ! Cela vient de ces sources que vous adorez exhiber lorsqu’elles trouvent dans l’immense gâchis et le bric-à-brac du libéralisme trabendiste, quelque motif de satisfaction. Là, la télé, la radio, les journaux à la solde de l’Anep, se mettent à claironner ! Passe encore pour la malvie ! Mais dites-nous un mot, un seul sur le football ! N’est-il pas dramatique pour l’Algérie d’être absente, deux fois de suite, de la compétition africaine ? N’est-il pas désolant pour notre athlétisme de faire de la simple figuration aux derniers mondiaux ? Voilà où nous en sommes ! Inutile de gesticuler : il n’y a rien qui marche, M. Belkhadem. Et encore, la malvie, nous aurions pu continuer à la tolérer parmi nous s’il n’y avait pas, aussi, les bombes qui reviennent, plus puissantes que jamais, pour signifier que l’échec est total. Nous n’en pouvons plus ! Nos enfants en ont marre : ils s’embarquent dans les canoës de la dernière chance, pour fuir le désespoir que vous avez installé. Arrêtez un jour, un seul jour, de nous dire que tout va bien et interrogez votre conscience !
P.S. : Je tiens à remercier les nombreux lecteurs qui nous ont fait l’honneur d’être présents à la séance de vente-dédicace de jeudi 6 septembre. Un grand merci à ceux qui sont venus de loin, souvent en couple et avec d’adorables enfants…