Questions de gros et de détail

Il n’y a pas de tension sur les prix ; il n’y a pas de problèmes épidémiologiques ; le Président va bien et “travaille chez lui”. Le Chef du gouvernement a fait, avant-hier, une conférence de presse de démentis.
Il y a comme un rapport malsain entre  l’opinion publique et le pouvoir. Tout se passe comme si la première est là pour jouer les Cassandre et l’autre pour jouer les augures. Quand Belkhadem déclare que “la rentrée sociale sera des plus normales” et que “ce ne sont là que les rumeurs habituelles de l’été”, il prend une posture de contradicteur qui s’adresse à d’imaginaires mauvais prophètes. Les éléments constitutifs du malaise social sont pourtant réunis : si la hausse des prix n’est pas généralisée, comme il le dit à juste titre, il n’en reste pas moins que ce sont justement les produits de première nécessité qui ont augmenté — les légumes — ou qui sont sous tension — pain et lait.
On voit bien qu’il s’agit d’une dénégation de principe quand le Chef du gouvernement affirme que le prix réglementé du pain (7,50 dinars) n’augmentera pas, alors que la pièce de 0,50 DA n’est même plus en circulation.
Le thème de la pomme de terre, en attendant qu’il passe le témoin à un autre produit, la viande du Ramadhan, le livre scolaire ou tout autre abcès de fixation provisoire, facilite la riposte officielle. On se plaint du prix de la patate ? Qu’à cela ne tienne : on nous en importera sans dédouanement. La pomme de terre importée est d’ailleurs déjà là, mais son prix est toujours élevé ! On vivra de la problématique de la pomme de terre jusqu’à la prochaine récolte.
Chaque Ramadhan, de la viande fraîche est importée pour un prix au détail annoncé à 400 dinars, mais aucun Algérien n’a encore mangé de viande à ce prix-là. Un boucher, à qui son client demandait où trouver cette viande importée et pas chère, a eu cette réplique : “À la télévision !”
La faillite de la santé, de l’agriculture, des transports, urbains surtout, de l’habitat — et on peut prolonger la liste — est patente. Les recettes pétrolières providentielles sont conçues comme le moyen de compenser l’inefficacité du système socioéconomique et, donc, l’incurie de ses concepteurs en jouant les pompiers le jour où la pénurie nous étouffe.
Au demeurant, ainsi posés les problèmes en termes de pomme de terre, de couffin du Ramadhan ou de livre scolaire, cela arrange les affaires du pouvoir. Le débat ainsi dépolitisé évite de poser la question du système. Le traitement anecdotique de notre condition lui convient parfaitement. Même avec trente milliards de dollars de recettes, il semble commode de rassurer sur la disponibilité de la patate que d’expliquer pourquoi, en une nuit, huit barques ont quitté les plages de Annaba, emportant plus de cent adolescents vers le terrible choix de la mort ou de l’exil.

Mustapha Hammouche

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