L’arbre qui cache la forêt

Arcelor Mittal, le géant de l’acier, a fait une excellente affaire en accaparant le complexe d’El Hadjar. Il a sensiblement augmenté la production d’acier dont une partie est exportée. Toutefois, ces derniers mois, au lieu de recruter du personnel, il envisagea de liquider une partie des travailleurs. N’eût été la détermination de ces derniers, le géant mondial aurait fait goûter à l’Algérie une des recettes les plus prisées de la mondialisation : s’enrichir sur le dos du personnel. Arcelor Mitttal a eu vite le bon réflexe d’éviter d’engager un ruineux bras de fer. Il a signé un bon accord pour lui et pour ses ouvriers. Un cas d’école pour notre pays appelé à accueillir un grand nombre d’investisseurs étrangers qui seront immanquablement tentés de rogner au maximum sur leurs frais de personnel. Le complexe d’El Hadjar n’a pu résister que grâce à son potentiel de combativité syndicale forgé depuis les années 1970. Rares sont aujourd’hui dans le pays les entreprises ou les organismes, de l’Etat ou du privé, qui ont réussi à maintenir intactes leurs réserves syndicales. Dès le début des années 1990, les liquidations et les faillites d’entreprises ont causé un sauve-qui-peut général qu’a aggravé sensiblement la situation sécuritaire apocalyptique prévalant dans le pays. L’UGTA a laissé des plumes, désertée ou perdant nombre de ses cadres. Comme elle a toujours été habituée à vivre de la rente, l’organisation a préféré rester un satellite du pouvoir. Refusant de s’autonomiser, elle a choisi de participer aux côtés de l’administration à la marginalisation des syndicats libres. Hormis quelques lieux historiques de résistance syndicale tels El Hadjar, SNVI ou Naftal, son poids sur le terrain se perdit considérablement. On a concédé à l’UGTA, pour des raisons politiques, l’illusion d’être un partenaire national de même poids que le patronat et l’Etat. L’Algérie se retrouve aujourd’hui fragilisée de deux côtés : elle est privée d’un puissant syndicat national, aussi libre que crédible que l’IG Metal allemand ou la CGT et CFDT de France, et elle ne dispose d’aucun faisceau de syndicats indépendants, reconnus, organisés et forts en mesure de réagir, à tout moment et en tous lieux, à n’importe quelle situation de péril social. Affaibli sur ce front, le pays est livré pratiquement pieds et poings liés aux investisseurs étrangers, appelés à venir en masse. Ces derniers seront naturellement sans états d’âme lorsqu’il s’agit d’engranger le maximum de profit. A Annaba, Sidi Saïd a eu le sourire triomphant. Mais l’accord Arcelor Mittal à El Hadjar n’est que l’arbre qui cache la forêt : celle de la misère syndicale nationale et de la détresse du monde du travail.

Ali Bahmane

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