L’ALLEE DES BRASEROS !
«La médaille de l’Ordre du mérite olympique décernée à Abdekka.»
Pour l’endurance
Elle ne porte pas vraiment de nom. Mais on pourrait l’appeler l’allée des braseros. Située à la sortie de Rouiba, en direction de Aïn-Taya, cette route a dû être belle un jour. Un jour lointain où des deux côtés du bitume, les champs s’étendaient à perte de vue, vers Dergana à l’est, vers Khemis- El-Khechna et Larbaâ à l’ouest. Aujourd’hui, des carrés de plantations sont enserrés, pris en tenaille par le béton. Et ce décor de fin d’époque est rendu encore plus irréel lorsque le soleil d’été, fatigué de darder le jour, retombe épuisé derrière une incertaine ligne d’horizon. C’est à ce moment-là que l’allée des braseros vous éclate littéralement à la figure. Des fûts découpés en vasques, des bidons rouillés et autres ustensiles de fortune sont disposés de part et d’autre de la route par des enfants dont la moyenne d’âge n’excède pas 14 ans. Dedans, des morceaux de bois, des branches, des bûches difformes crépitent, brûlent et donnent aux épis de maïs que les mains juvéniles tournent et retournent dessus une belle couleur rouge fauve. Séparés de quelques dizaines de mètres, ces «enfants du maïs» dansent et jouent autour de leurs brasiers, comme des lucioles affolées et éphémères. Ephémères comme cette saison d’été où les automobilistes de retour d’une journée de plage marquent une halte pour croquer à belles dents dans les grains de maïs encore brûlants et lourds de l’odeur de charbon brûlé. Il y a longtemps que cette route n’est plus éclairée que par les braseros. Il y a longtemps que ces enfants bravent la nuit des adultes, avec pour seule protection de futiles et dérisoires tisonniers plus utiles à retourner les épis qu’à se défendre des agressions. Et de brasero en brasero, de groupes d’enfants chantant et chahutant, de lucioles piaillantes d’insouciance miséreuse en essaims de gavroches des campagnes livrés à eux-mêmes, je n’ai cessé de repenser une fois encore, encore une fois à cette phrasesentence commise par le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale : «Le pouvoir d’achat des Algériens a augmenté de 66% entre 1999 et 2007.» Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
Hakim Laâlam