Codifier la corruption
Entendue dans des conversations en différents lieux et des personnes de différentes conditions sociales cette question lancinante à propos des scandales qui secouent le pays et ils sont nombreux : quand cela va-t- il finir ? La question arrive bien sûr après les anecdotes toutes plus irréelles les unes que les autres. Mais alors, les formes de la corruption ou de la prédation sont infinies. Je ne vous les résume pas parce que je suis convaincu que chacun en connaît un bout.
Dans le lot des personnes, un médecin affirme : «Cela prendra fin ! Tout a une fin ! Il n’est pas possible que ce pillage à ciel ouvert et à visage découvert continue.» Bien sûr, il est médecin et il sait que la gangrène ou le cancer finissent par tuer le malade. La comparaison ne marche pas, car dans ce cas d’espèce on ne sait qui est malade. L’Etat ? Le pays ? La société ? La nation ? Le peuple ? Eh, bien, oui ! Ces notions ne renvoient pas du tout aux mêmes réalités. Cette gangrène touche bien l’une de ces réalités ou deux de ces réalités. Elle ne les touche pas toutes. La première victime reste la société, toujours. Dans la corruption et la prédation, elle perd ses valeurs fondatrices, ses règles de conduite, ses repères moraux, les critères de l’autorité. Elle devient malade et produit ensuite tout ce que vous savez. Il ne s’agit pas d’anomie, cette situation dans laquelle il n’existe plus de normes. L’Algérie a dépassé cette situation d’anomie depuis quelques années. Elle est entrée dans une nouvelle phase pour laquelle il faudra produire un concept qui rende compte de cette anomalie, être le premier pays du monde, à ma connaissance, où s’est codifiée la corruption. Le même médecin notait que dans un secteur qu’il connaît bien, aucun responsable honnête ne peut rester en poste. Il est rapidement liquidé, car la règle, j’écris bien la règle, veut que les corrompus ont besoin d’autres corrompus pour continuer à sévir en toute sécurité. Le système de la corruption se met à sélectionner ceux qui peuvent le perpétuer par leur implication dans la curée. Mais je n’ai pas répondu à la question : cela peut-il encore durer ? Mon avis est que oui. Avec encore plus de «wakaha». Ce n’est que mon avis.