Terrorisme, science et morale
Que les attentats ratés de Londres et Glasgow sont l’œuvre de médecins a ému, surtout dans les milieux de la profession d’Hippocrate.
L’avenir prometteur du terrorisme réside dans cette espèce d’incorrigible candeur face au terrorisme. Tant que les opinions et les politiques s’affairent à dépister les limites rassurantes du danger, au lieu de considérer l’étendue de la menace, le terrorisme continuera à progresser et nous surprendre.
Si l’on admet que la chimie et l’électronique ont rendu d’inestimables services au terrorisme, on s’étonne, depuis quelques jours, de découvrir le “terrorisme des docteurs”. On se condamne ainsi à dépoussiérer des évidences morales comme celle par laquelle Rabelais nous apprenait, il y a près de cinq siècles, que “science sans conscience n’est que ruine de l’âme”.
Si l’on n’avait pas oublié que le maître d’al-Qaïda est, depuis longtemps, secondé par un médecin, la nouvelle n’aurait pas à ce point surpris. La science n’a pourtant jamais préservé du crime et dans bien des cas, elle l’a assisté. Cette illusion que le savoir serait un rempart suffisant contre le terrorisme correspond à l’autre méprise qui se manifeste par moments : celle de croire que la misère constitue le levain fondamental du terrorisme. Le malheur fournit, certes, souvent la chair à canon dont l’idéologie a besoin, mais le terrorisme islamiste n’a pas manqué d’exécutants issus de milieux instruits ou aisés.
Quelques leurres, posés là par le projet intégriste, semblent avoir la vie dure. Il en va ainsi de l’idée que l’ignorance et la pauvreté, parce qu’elles fragilisent les individus et les communautés, constitueraient les seuls ferments du terrorisme. Au contraire, dans les pays musulmans c’est l’instruction officielle, parce qu’elle s’adonne à la formation idéologique des enfants, qui contribue à la fanatisation d’une jeunesse dans laquelle les sponsors du terrorisme viennent puiser leurs personnels. Ils recrutent parmi les diplômés en prêche, parmi les ingénieurs et aussi parmi les médecins.
Pendant longtemps, la capitale britannique constituait une des sources d’inspiration du terrorisme islamiste. Notamment en Algérie, du temps où le Palestinien Abou Qutada s’exprimait pour les maquis du GIA. Les imams B.C.B.G. de Funsburry étaient alors considérés comme trop “britishs” pour les confondre avec les “émirs” hirsutes de nos maquis.
Cette quête obstinée de l’islamiste non violent est à l’origine de l’invention de l’islamisme “modéré”. L’attitude s’explique par le refus craintif d’affronter l’islamisme dans sa réalité, globale et belliqueuse. Les pouvoirs commencent toujours par battre en retraite, tentant de désarmer l’islamisme en promouvant des porte-parole réputés “modérés”.
Le passage à une idéologie de la mort n’étant pas accompagné d’un passage à l’acte immédiat, la tactique peut faire illusion pour un temps. Mais l’engagement islamiste est en réalité un moment de rupture morale qui n’a rien à voir avec quelque simple conversion politique.
Si le courage de combattre politiquement l’idéologie pour ce qu’elle est — une justification du crime — manque, ce ne sera peut-être pas le savoir, le bien-être ou même le beau discours qui nous en préserveront.