Immuables images
Image 1, le peuple et le bonheur. Le président en exercice est accueilli par une foule en exercice, très contente d’exister et d’être là où il fallait être à ce moment-là. Image 2, la main de fer. Le président en exercice visite un chantier et on lui remet un objet métallique qu’il prend solennellement de sa main droite. Image 3, l’étoffe des héros. La cérémonie du « tadchine » commence, selon un rite immuable ; l’objet de l’image 2 était en fait un ciseau et il est utilisé pour couper un bout de tissu. Le ciseau coupe le ruban, le président jette le ciseau. Image 4, la joie des chantiers. C’est fini, les applaudissements sont nourris et ils s’arrêtent d’un coup. Une fois la cérémonie terminée, chacun rentre chez lui, à commencer par le président en exercice, mais tous avec un fort sentiment de déjà-vu. Dernière image, le reste des informations en bref. Une guerre nucléaire au Sabounistan, un oiseau qui répare des portables, une femme qui accouche de 2000 enfants à la fois dans une clinique de Koukawala et un avion de ligne qui chante du blues a cappella ; bref, rien de très intéressant. Heureusement, les images et les sons étant interdits, restent les mots. Lu pour vous dans la presse, il s’agit pour le gouvernement « d’assurer la pluralité du champ médiatique à travers la consolidation et le développement de la presse ». Ce n’est pas un gag, c’est la déclaration du gouvernement qui, par ailleurs, a interdit l’ouverture du champ audiovisuel. On en reste donc là, au point où l’ancien gouvernement avait laissé l’Algérie, au niveau zéro de la communication, de l’expression et du respect de la diversité d’opinion. Et ce n’est pas Boukerzaza, immuable apparatchik et nouveau ministre de la Communication, qui va insuffler du neuf dans un secteur régi par des pratiques policières et un dirigisme stalinien. Pauvres images pour un pays déjà pauvre en images.
