INCONSCIENCE !
« Alger, capitale de la culture arabe. Aucune remise de peine ni grâce amnistiante. Ça ira jusqu’au bout ! »
Pitié, s’il vous plaît !
En accompagnant le président en visite à l’académie de Cherchell, le chef d’état-major de l’ANP a déclaré : «l’institution militaire poursuivra sa lutte contre les inconscients». En voilà encore une de belle trouvaille ! Les géniaux inventeurs de bréviaires et pourvoyeurs de subterfuges lexicaux nous avaient déjà servis une belle brochette de termes dont la fonction première est d’éviter de prononcer de manière claire et intelligible le mot fatidique de «terroristes».
Nous avions ainsi eu droit aux «égarés». Ensuite aux «enfants de l’Algérie qui doivent réintégrer la maison Algérie» Ensuite aux «victimes de la tragédie nationale quelles qu’elles soient». Ensuite aux «belligérants du drame qui a endeuillé le pays». Et là, le chef de l’état-major algérien, un militaire, donc quelqu’un qui n’a pas le droit de se tromper dans le choix de mots nous assène cette nouvelle terminologie, «les inconscients ».
Quand j’entends dire des terroristes que ce sont des inconscients, j’ai l’impression de voir cette ménagère en train de déplumer un poulet, de lui ôter la peau, de le passer au feu pour brûler les restes de plumes, de le laver à l’eau de Javel afin d’en enlever toute odeur, et d’en faire finalement un tas de viande sans goût, vidée de toute saveur. Aseptisé !
Quand j’entends dire des tangos que ce sont des inconscients, j’ai comme l’impression que les barbus sont montés au maquis sur un coup de gueule, sur une bouderie, sans projet idéologique, comme on irait en randonnée pédestre dans les champs et vallons d’une campagne bucolique.
Quand j’entends dire d’un terroriste que c’est un inconscient, j’ai la terrible impression d’entendre une fois encore le bruit sourd du corps de l’enfant fracassé contre le mur. INCONSCIENTS ? Le MIA inconscient ? Le GIA inconscient ? L’AIS inconsciente ? Le FIDA inconscient ? Le GSPC inconscient ? Al Qaïda Maghreb inconscient ? Les attentats contre la chefferie du gouvernement et le commissariat de Bab-Ezzouar sont-ils l’œuvre d’inconscients ? La bombe qui a failli coûter la vie à l’ambassadeur du Mali à Alger et qui a blessé des policiers a été déclenchée par des inconscients ? Je savais que la dérive dangereuse de la main tendue aux groupes armés allait nous amener sur des sentiers vachement malsains.
Mais je ne pensais pourtant pas qu’un jour, elle nous mènerait au point d’entendre de la bouche du chef des bidasses qui meurent tous les jours le mot «inconscients» pour qualifier ceux qui assassinent aussi des… bidasses. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
Hakim Laâlam
