Internet et télévision : Des paradoxes arabes : Fermetures égyptiennes

Les fabuleuses capacités de production d’images pour le ciné et la télévision inscrites en industrie égyptienne depuis des décennies jusqu’à en faire l’un des pôles incontournables d’importation de la région se conjuguent à présent à des effets de fermeture en matière de rayonnement de l’internet dans le pays.

Il n’est plus question de parler seulement de frilosité de l’Etat égyptien - comme quelques dizaines d’autres dans le monde, à l’instar de la Chine -, face aux interférences politiques qu’induit la Toile par son déverrouillage de l’expression publique, mais d’actes réglementaires de censure chronique, et à grande échelle. Le paradoxe est d’autant plus saillant quand on compare ce pays à l’Algérie par exemple : les gouvernants du Caire ont la phobie d’internet ; ceux d’Alger de toute ouverture du champ de l’audiovisuel.

Le décalage est aussi réel en matière de taux de connexion par rapport au Maroc (9,2%) et la Tunisie (15,1%) alors qu’en Egypte il plafonne à 8,5%. Le résultat des jeux de fermeture opérés par le pouvoir en place en Egypte n’est pas sans similitude non plus avec un phénomène social et culturel symptomatique de l’Algérie. Ici, depuis la fin de la décennie 80 un rush vers les antennes paraboliques pour capter les télés des autres.

Là-bas une profusion de blogs, dont certains d’une virulence extrême contre le régime politique. Le départ du phénomène en a été, la fin 2006, une scène filmée portée sur un site où l’on a pu voir un homme subir les pires tortures dans un commissariat d’un quartier populaire de la capitale. La presse privée a immédiatement fait répercuter l’évènement. Les organisations de défense des droits humains dans le monde et les grands médias se sont inscrits dans le processus d’alerte. Résultat immédiat déclenché : deux officiers de police impliqués on été déférés devant la justice.

Ce succès cependant n’a été que du lest lâché stratégiquement pour calmer un mouvement d’opinion international particulièrement offensif, en mesure de nuire aux flux de touristes. En contrepoint un blogueur égyptien entreprenant, Karim Amer, a pour la première fois dans le pays été jugé pour ses écrits. Et condamné à quatre ans de prison, trois ans pour « incitation à la haine de l’islam » et une année pour « insulte envers le président ». Un représentant de Reporters sans frontières a estimé : « Il n’y avait rien de sérieux dans les écrits de Karim contre Moubarak.

Ce chef d’accusation a été inséré pour servir, dans le futur, contre d’autres blogueurs. » Et irrité un gouvernement très soucieux de son image à l’extérieur. Au début du mois s’est ouvert le procès des deux officiers de police impliqués. La blogosphère égyptienne peut compter dans ce bras de fer quelle mène face au régime du Président Moubarek sur un jeune informaticien, Allal Seif, opposant politique déclaré. Avec son épouse ils ont créé un site à vocation de rassembler et d’assister techniquement l’ensemble des blogueurs du pays : manalaa.net.

Cet agrégateur de blogs a pour objectif de promouvoir un « journalisme citoyen ». Un journaliste de Al Masri el Youm voit dans cette dynamique une salvatrice échappée du poids de la censure sur les médias traditionnels. Les blogs, assure-t-il, « secouent un paysage médiatique sclérosé. Je n’aurais pas pu sortir cette affaire de torture. En tant que journaliste, je risque la prison. Mais une fois que les vidéos ont été publiées, là, j’ai pu enquêter ».

Les tendances politiques actuelles des blogueurs égyptiens sont bien sûr contradictoires et conflictuelles. Davantage même que leur expression dans l’espace public des partis et des médias. Avec un point commun à tous les communicants, dans un pays somme toute peu « connecté à la Toile : leur objectif est de capter l’attention des médias et ONG étrangères. Avec la Toile « les infos sortent », disent les blogueurs.

En Egypte, plus qu’ailleurs dans le monde arabe, elles s’entrechoquent aussi. Les islamistes ne sont pas en reste de la prise de parole dans la nouvelle donne. Ainsi la confrérie des Frères Musulmans est représentée par un site dont le nom consonne si peu avec l’idéal de liberté, tel qu’on peut le rêver du moins : « Meit », pour mort. Son promoteur, au site, figure parmi les nouveaux venus dans la blogosphère égyptienne. Particularité frappante du site : la bannière en portrait d’Hassan El-Banna, fondateur de la confrérie, mise en juxtaposition au drapeau égyptien à l’envers, c’est-à-dire la tête de l’aigle mise en bas.

Belkacem Mostefaoui

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