Ammi Ali Zen!

Il est là même les vendredis ! Bizarre. Vendredi est journée libre. Je suis sorti tôt le matin pour faire quelques courses. J’ai passé la nuit seul devant mon ordinateur relié au monde extérieur et large via la magique Internet. J’ai fait mes courses chez un jeune marchand de légumes qui essayait vainement de me faire avaler ses salades. Ils sont pour leur plupart tartuffes ces marchands.

A la moindre occasion, et surtout inattention, il vous glissera de la mauvaise marchandise qui le torture. Une pomme de terre sale, une tomate pourrie… etc. que vous ne remarquerez qu’une fois chez vous.

Ammi Ali était là. Pas chez le marchand. Non. Dans cette cafétéria toujours, et à tout temps jusqu’à la nuit tombante, blondie de monde. Des vieux, des pères de familles et des jeunes y prennent sièges qu’ils ne quittent que pour aller satisfaire un besoin biologique urgent ou pour aller prendre le déjeuner. Ils passent leur temps à jouer aux cartes, aux dominos, ou au loto. L’odeur permanente et suffocante de la cigarette s’en fout complètement des lois des pays occidentaux qui interdisent de fumer dans un lieu public.

On dit qu’à New York, vous pouvez même ester en justice votre voisin fumeur parce que l’odeur de la cigarette y arrive à parvenir chez vous.

On demande de temps à autre un thé, une tisane, un café bien dosé, un moitié, une bouteille de vichy, une boisson gazeuse…Il faut crier fort au milieu du brouhaha incessant pour que votre requête soit satisfaite. Le serveur qui répètera votre requête dans une sorte de transmission vers le qahwadji( le serveur au comptoir) qui lui préparera les consommations demandées vous illustrera que vous serez servi dans quelques instants seulement.

Ce qui passionne apparemment notre homme, c’est ces notoires parties de dominos. Il reste debout, faute de chaises vides, des heures durant. Il se cale à l’aide de ses mains qu’il place sur ses hanches efflanqués. On dirait une sorte de méditation nouvelle. Du Bouddhisme Zen ? Ca doit être du Ammi Ali Zen !

 Il s’appuie tantôt sur ce pied, tantôt sur l’autre tout en se concentrant sur cette table, ces pièces de dominos qui se placent l’une derrière l’autre. On peut détecter sur ses lèvres qu’il comptait. Le voilà qui porte son doigt à sa lèvre supérieure fronçant le sourcil. Il compte encore. Il sourit par moments. S’indigne d’une mauvaise pose ou d’une main malchanceuse. Il encourage cette équipe ou l’autre. Il conseille ce membre ou l’autre.

Il s’énerve, s’emporte mais avec une joie injustifiée. Il rigole lorsque tout le monde s’emporte dans un rire démoniaque. Parfois il ne rigole pas parce qu’il n’aurait pas compris la partie qui vient de s’écouler. Alors il reste concentré tandis qu’une autre partie est entamée. Il parcourt ces visages qu’il ne connait que durant les soirs de ses séjours permanents dans cette cafétéria. Il vient tous les soirs. Des visages démangés par des barbes naissantes, ou pleines. Des visages démangés par la fatigue de l’oisiveté, la fatigue de l’âge, la fatigue du ‘’rien à faire’’.      

Ammi Ali, la quarantaine, est enseignant à l’Université et au lycée. Il n’arrête pas de critiquer ses étudiants et élèves tombés d’une pluie récente nonobstant infecte, pense-t-il. Il restera longtemps à assister, à compter, à perdre son temps autour des tables du domino, délaissant sa petite famille pendant ces heures de contemplation. Il critiquera longtemps ses élèves, ses étudiants et toute sa société.       

Noufèl 

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