Le triste – et enviable - sort de nos élus

Un député vient de découvrir que la Constitution accordait “de larges prérogatives aux députés”, mais “théoriquement seulement, car dans la pratique, la réalité est tout autre”. Mieux vaut tard que jamais !
Messaoud Chihoub, vice-président de l’APN, touche du doigt un fondement de la “démocratie à l’algérienne” : la disponibilité complaisante des assemblées élues devant l’omnipotence d’un Exécutif représentant la volonté du pouvoir réel. Un député national n’a pas vocation à contrôler l’action de l’Exécutif, mais à la parapher pour lui donner une légitimité institutionnelle.

Pourquoi un député, qui feint de découvrir la vanité politique de sa fonction, continue-t-il à siéger dans une assemblée qui n’a pas la réalité de son pouvoir et quand, comme le dit le vice-président FLN, “l’Exécutif jouit lui aussi du pouvoir législatif ?” Pas “aussi” mais, en fait, exclusivement.

On ne va pas au Parlement pour faire de la politique, mais pour la subir. Particulièrement quand on relève d’une formation politique de l’alliance de gouvernement. La motivation ne peut être qu’ailleurs.
Pour durer dans une carrière qui procure quelques substantiels privilèges, il faut s’interdire tout comportement subversif.

Et si Chihoub ignore le procédé par lequel le député est tenu en respect, son camarade de parti et collègue d’institution, Hocine Khaldoun, peut le lui expliquer : “Il y a un service constitué d’agents de l’administration, mais aussi d’éléments de service de sécurité au niveau du ministère de l’Intérieur qui est chargé de suivre l’action et les déclarations des députés” et “lorsque ce service établit un rapport défavorable sur un député, ce dernier ne peut plus se porter candidat”.

La confection des listes électorales constitue les seuls véritables moments d’enjeux politiques dans la vie des partis.

De la même manière que sont cooptés les responsables d’autres institutions, en fonction d’impératifs d’équilibre des forces, sont sélectionnés les candidats, en fonction de leur conformité politique, pour être proposés au plébiscite populaire, dans une élection à la proportionnelle corrigée. Mais corrigée, au sens littéral du terme.

Parfois, quand on a, de naissance, la vocation du pouvoir, pas besoin d’endurer le cursus militant pour mériter de diriger. Il y a des destins hors concours.

Les partis n’intéressent le système que pour leur ustensilité. Ils sont son alibi démocratique et servent aussi des sas où sont triées les ambitions politiques des citoyens. Car, une formation politique doit elle-même se plier à la norme dans le mode de promotion de ses membres si elle ne veut pas se voir désagrégée par un redressement ou par la sanction de l’urne télécommandée.

L’aventure politique en Algérie s’apparente au mythe de Procuste. Ce personnage infâme allongeait les voyageurs qu’il attirait dans sa demeure, les petits dans un grand lit et les grands dans un petit lit, puis étirait les premiers et coupaient les membres des seconds.

Le supplice du lit de Procuste s’impose à ceux qui prennent le chemin de l’ascension sociale par le versant politique. Leurs sporadiques jérémiades n’enlèvent rien à la responsabilité d’avoir choisi les privilèges du consentement aux désagréments de la contestation.

Mustapha Hammouche

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