Disparités
Cumulées à celles du mois de Ramadhan, les dépenses de la rentrée scolaire réduisent à la portion congrue le pouvoir d’achat des ménages algériens. C’est une conjonction très pénible car elle impose à ceux dont les revenus sont modestes de vivre au-dessus de leurs moyens. Ils ont en effet le devoir de scolariser leurs enfants dans les meilleures conditions en leur garantissant les fournitures scolaires, mais aussi en les nourissant et habillant correctement.
Ce qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. Que dire alors des catégories de population qui ne disposent d’aucune ressource constante et dépendent de la générosité de donateurs qui remplissent les couffins de la rahma. Cette solidarité est nécessaire mais pas entièrement suffisante dans la mesure où elle est restreinte dans le temps. Elle ne couvre pas par ailleurs le volet des médicaments qui sont pratiquement inabordables pour les plus démunis.
Cela fragilise l’équilibre social par l’amplification de disparités qui ne préservent pas l’égalité des chances. L’Etat protecteur s’impose dans de telles conditions comme l’alternative. Mais ce rôle lui est maintenant fortement contesté par les tenants d’un libéralisme peu favorable à une économie à visage humain. Cela a des conséquences sur les stratégies en matière de médecine publique, en amont d’une politique de soins qui mettrait les populations à l’abri de pandémies.
Les choix ne peuvent plus à cet égard être ceux des années de la médecine gratuite. L’Etat, quelles que soient les contraintes et les formidables pressions de l’environnement mondial, ne peut pas se dégager d’un secteur aussi névralgique que celui de la santé.
La pauvreté ne devrait pas, en Algérie, constituer un critère de qualification sociale qui rejaillirait de génération en génération. Un enfant dont les parents ne sont pas riches aura moins d’atouts pour réussir s’il ne transcende pas la pauvreté par l’effort, la pugnacité, le désir chevillé au corps de s’en sortir.
La grande difficulté est de passer le cap, de pouvoir aussi ne pas être exclu avant l’accès à l’université. Mais même à ce niveau, un étudiant bien nourri et soigné depuis l’enfance part plus favori dans son parcours. Le danger serait alors que l’on voie triompher un concept économique qui préconiserait la sélection par l’argent. C’est à ce niveau que la puissance publique a pour mission de réduire les effets de la surenchère des prix sur les moins nantis.
Il ne s’agit plus de basculer dans des options populistes ou démagogiques, mais de mettre en place les conditions les plus transparentes pour que le revenu national soit aussi consacré à ce que chacun puisse manger à sa faim et se soigner. Une demande qui revêt toute son acuité dans cette période de Ramadhan et de rentrée scolaire où les budgets sont laminés par la vague de fond de la hausse des prix au même moment où les ressources sont asséchées.
Amine Lotfi