Un Paris historique

Il est de coutume de ne considérer une journée comme étant «historique» que sous le prisme du rétroviseur, c’est-à-dire une fois passé l’évènement. Mais le caractère exceptionnel de la journée d’aujourd’hui vécue à Paris dicte justement de soustraire la dimension «coutume», pour en saisir le caractère de basculement de toute une région dans l’Histoire, la Méditerranée en l’occurrence.

Il faut bien entendu se garder d’enfourcher deux montures d’anticipation pour qualifier cette journée, autant celle de l’euphorie avant même de savoir sur quoi ce conclave fondateur va déboucher, autrement dit vendre l’Union avant qu’elle soit unie, que celle consistant à prédire d’ores et déjà à cette UPM un destin de mort-né.

Il faudrait observer, plutôt vivre cette journée historique avec l’intensité qu’elle mérite, et savoir apprécier la densité et le concentré évènementiel dont elle est gorgée, parce que dans une vie, on a souvent l’opportunité de voir l’occasion des blocs s’atomiser et des nations péricliter, mais très rarement, la faveur d’assister à l’accouchement d’une Union régionale, a fortiori dans laquelle notre pays est présent.

Une présence algérienne, faut-il le souligner, qualifiée de primordiale par le promoteur de cette initiative, le président français Nicolas Sarkozy. Il faudrait que, pour notre part, l’on apprenne à intégrer dans nos mœurs une vérité à laquelle nous ne sommes pas habitués et qui explique les légitimes étonnements, voire les sentiments de révolte, ressentis après que l’Union européenne eut, par la voix d’Angela Merkel, apposé son refus à toute initiative unioniste, française ou autre, qui n’engage l’Europe dans son ensemble.

A juste titre, les Algériens se sont interrogés sur le sens à donner à une Union méditerranéenne incluant des pays qui n’ont rien de méditerranéen. Maintenant, il faut qu’on apprenne à considérer la France, ou tout autre pays membre, comme faisant partie d’un grand pays, qui s’appelle l’Europe et que la frontière de l’un d’eux, par exemple la côte méditerranéenne, est une frontière de toute l’Europe.

Aujourd’hui donc, plus de quarante chefs d’Etat et de gouvernement sont réunis à Paris autour de Sarkozy en son actuelle double qualité de président français et européen, pour enfanter ou plutôt donner corps à un rêve mille fois ajourné, la mise en place des jalons et du socle véritable d’une union méditerranéenne appelée de tous leurs vœux par les riverains du Nord et du Sud.

On se prend déjà à entrevoir d’abord la zone de libre-échange, puis un traitement plus humain des procédures de visas, pour aboutir à la libre circulation des personnes, le tout sur fond de passerelles culturelles et de solides consortiums économiques, sachant qu’une des originalités de cette union naissante est que le secteur privé est partie prenante à part entière.

C’est une naissance, mais la maturation et la gestation ont duré treize années dans l’embryon du processus de Barcelone, dont il a été trop dit qu’il a été un échec mais qui, en réalité, est à appréhender comme une fertile répétition, riche en tentatives de rapprochements avortés, mais aussi de rapprochements que nul n’aurait envisagé sans cette première dynamique. Sous nos yeux, se déroule une journée historique, et sur les décombres d’un passé éparpillé, va éclore pour de vrai le verdict de La Fontaine qui prédit que «l’union fait la force».

Nadjib Stambouli

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