Tirs sur l’ambulance
Si Belkhadem, à peine terminée la passation de consignes avec son successeur, du reste vite expédiée, a été épargné par les tirs croisés des tenants de la devise des opportunistes «le roi est mort, vive le roi» quant à sa gestion gouvernementale, cela n’est pas le cas à l’intérieur de son propre parti, où les alliés inconditionnels d’hier se sont retrouvés du jour au lendemain porteurs de «valeurs» de redresseurs et d’opposants, jusqu’à vouloir, ô sacrilège, la tête de leur SG.
Au lieu de rétorquer aux diatribes de ses subordonnés par la riposte classique en pareils retournements de veste : «Qui t’a fait roi ?», Belkhadem, qui bien sûr n’est pas au-dessus de toute critique, garde sa superbe et sa contenance, parce qu’en vieux de la vieille, sa carapace politique en a vu d’autres.
Mais qu’il est indécent de ne montrer sa vaillance que face au dos d’un partant, de vouer aux gémonies celui qui, hier encore, on glorifiait et portait aux nues, et d’étaler un accès subit de courage expressif qu’on se gardait bien d’exhiber tant que le concerné était encore aux commandes ! En tout cas, s’imaginer une seule seconde qu’un homme comme Belkhadem, symbole et l’un des pivots du système, se retrouve affaibli parce qu’il n’est plus Premier ministre, c’est faire montre d’une naïveté impardonnable, même quand on est militant du FLN…
Sur le même registre de la langue qui se délie et du courage à retardement, on a vu que l’ex-ministre des Postes, Boudjemaâ Haïchour, a fait les frais de cette hargne critique de la part de ses propres cadres. S’ouvrir à l’expression critique, qui vire ainsi à la dénonciation ou au règlement de comptes, après avoir observé un long silence durant le règne du chef, relève soit du mensonge par omission, soit du mutisme complice. Le plus gênant dans tout ça, c’est que les arguments étalés, sur la faisabilité technique de certains projets, ne sont pas dénués de fondement.
Alors pourquoi les avoir tus pendant si longtemps ? Le premier responsable du secteur était-il tyran au point de les empêcher de parler ? Si tel était le cas, pourquoi ne pas avoir dénoncé publiquement de telles mesures de bâillonnement ou, à tout le moins, pourquoi ne pas avoir marqué sa réprobation en démissionnant ? Cela aurait été la moindre des attitudes de dignité attendue de la part des cadres supérieurs d’un ministère, en tout cas bien plus honorable que de se calfeutrer dans son coin, en profitant des privilèges liés au poste, tout en laissant pourrir la situation (si les arguments étaient fondés, bien sûr).
De tels réveils tardifs pour crier haro sur le baudet sont à prendre avec des pincettes et à accueillir avec circonspection d’autant que, sortant dans un climat et des arrière- pensées de tirs sur l’ambulance, ils perdent toute crédibilité et éclaboussent la véracité des arguments, même lorsqu’ils sont fournis preuves à l’appui.
Des remaniements sont inscrits dans le cours normal des gouvernements, et chaque ministre, dès le jour de sa prise de fonction sait en principe que dans sa vie, il sera considéré bien plus longtemps comme «ancien ministre» que comme ministre en poste. Apparemment, ils ne sont pas les seuls à en être conscients et à s’y préparer…
Nadjib Stambouli