Bannir l’esprit d’assisté

Le ministre du travail est en train de déployer des trésors d’ingéniosité pour libérer les énergies créatrices d’emploi, à chaque fois en mettant de nouveaux dispositifs toujours plus performants, du moins censés l’être.

Le dernier en date, confié à l’ADS, à l’Anem et aux directions wilayales du travail, a déjà sécrété les réactions escomptées, puisqu’on a enregistré des dizaines de milliers de demandes provenant de jeunes diplômés qui ont atterri chez la seule ADS.

Ce genre de chiffre révèle la soif de travailler chez les jeunes, souvent accusés à tort de paresse ou d’être portés sur le gain facile, du type trabendo ou gardiennage de parking, mais édifie en même temps sur l’effarante inadéquation entre l’enseignement dispensé à l’université, en type de programmes et qualité d’enseignement, d’une part, et de l’autre, les besoins réels du monde du travail et des attentes des entreprises en encadrement compétent qualifié et surtout efficace.

Au lieu de s’attaquer à ce problème de fond à sa source, c’est-à-dire en dispensant à l’université un savoir théorique et surtout pratique à rentabiliser directement par le monde productif ou celui des services, l’Etat semble procéder par à-coups, en sauvant ce qui peut l’être dans l’immense problème du désarroi des jeunes chômeurs diplômés.

Il est vrai que nul être doté de raison ne saurait en vouloir à un pouvoir qui tente de colmater comme il peut l’énorme brèche de l’oisiveté des jeunes, en leur fournissant des emplois, à ceci près qu’il convient mieux à la réalité des faits de parler, en guise d’«emploi», de «quoi s’occuper».

Il est vrai également que ledit dispositif est dichotomique, avec un volet social et l’autre strictement économique, mais il faut avouer que le caractère social de l’initiative est prédominant pour les deux volets, puisque c’est l’Etat, dans son infinie mansuétude (mais qui, à l’instar de l’embellie pétrolière, n’est pas inépuisable) qui finance le tout dans un cas, la moitié des salaires dans l’autre.

Le risque est qu’on va se retrouver avec des centaines de milliers de jeunes qui, certes ne «tiendront plus les murs», mais se dirigeront chaque matin chez leur «employeur» (parfois, ce sont carrément des associations, soit le symbole de la non-production), avec un accompagnement pour un semblant de formation (façon d’enterrer une fois pour toutes les quatre ou cinq années dilapidées à l’université), mais sans aucune perspective réelle, ni pour l’intéressé ni pour l’Etat algérien.

En somme, sur fond de populisme, tout le monde participe à l’inculcation d’un esprit de mentalité d’assisté, dont l’instauration progressive et l’ancrage dans les mœurs ont fait les ravages que l’on sait dans les catégories juvéniles.

En effet, la valeur travail a perdu toute son aura de dignité et de fondement de l’épanouissement individuel au fur et à mesure que se sont développés les sinistres mauvais exemples de l’enrichissement facile par le trabendo et le gardiennage de voitures ou, l’été venu, de parasols.

Quand c’est l’Etat qui ajoute son grain de sel à l’implantation de cette mentalité d’assistanat, même si l’intention des initiateurs est irréprochable en matière d’extinction d’angoisse du chômeur diplômé, on est fondé à se calfeutrer dans l’inquiétude sur le sort de toute une génération.

Nadjib Stambouli

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