M. Ouyahia face à la rupture
Après un long silence au plan de la politique intérieure, devenu inquiétant pour les gens, terriblement traumatisant pour une foultitude d’appareils inutiles, budgétivores et sans une seule bonne idée depuis des années, le président de la République a parlé.
On plutôt tranché dans une problématique à plusieurs variables qui faisaient les choux gras des meilleurs journaux algériens et donnaient des cheveux blancs aux managers et investisseurs, surtout nationaux, parce qu’ils n’ont qu’un pays, celui où ils sont à demeure. Il est bien connu de tous les économistes et planificateurs que le temps n’a pas de prix et qu’on ne le rattrape jamais au vu des vitesses, des mutations qu’imposent la mondialisation, la recherche scientifique et les progrès technologiques, et toutes les énergies intellectuelles mises en branle dans le monde pour l’après-pétrole et pour l’indépendance alimentaire.
Les derniers douze mois écoulés sous une gouvernance managée par le FLN, sinon par son secrétaire général et le cercle qui lui est le plus proche au sein du parti, n’ont pas été ni roses ni modernistes et encore moins engageants pour la sphère économique, ni satisfaisants pour le pouvoir d’achat des bas salaires, pour les syndicats autonomes, les étudiants, les enseignants, etc.
Force est de reconnaître une somme considérable de retards, de critiques même pas voilées d’ambassadeurs en poste à Alger, d’entrepreneurs étrangers et d’ONG chargées de la défense des droits de l’Homme, pour épingler une gestion amorphe, bureaucratique et une montée d’intolérances que des esprits naïfs croyaient remisées au musée de l’ex-Fis et de celui de ses nébuleuses «politico-militaires», dont certains démembrements internationalisés tuent régulièrement.
Une jeune femme traînée devant la justice pour détention d’exemplaires de la Bible, sans aucune réaction du parti majoritaire, et d’aucun autre d’ailleurs de la majorité présidentielle. Du coup, M. Bouteflika, chef de cette majorité et initiateur d’un programme qu’elle défend, passe pour un intégriste, haineux vis-à-vis des autres régions. L’Algérie a pris les traits détestables d’une «chose» que refusent des millions d’Algériens, ils existent, tous les amis du pays dans le monde et que mettent en exergue les médias et les observateurs du monde civilisé.
Avec l’accord et le soutien de M. Bouteflika, l’Algérie engage une ambitieuse volonté en matière de tourisme, développe des opérations de relations publiques à l’étranger pour s’inscrire sur la liste des pays méditerranéens vendeurs de tourisme. Pour saborder le travail validé au plus haut niveau, subrepticement, croient-ils, des derviches tourneurs ferment chaque jour des bars et des points de vente d’alcool, pour imposer des rites talibans. Or, selon les libertés du culte et individuelles qui font honneur à la Constitution du pays, les Algériens ont le droit de boire ce qu’ils veulent et les touristes aussi, n’importe où en Algérie. Veut-on capter des touristes ou des pèlerins ? Il faudra bien choisir définitivement.
Dans un paysage tourmenté, à la veille d’échéances politiques annoncées sans aucun détail à mettre sous la dent des commentateurs, M. Ouyahia revient à la tête du gouvernement. Symbolique et cadeau politique, son retour arrive pile avec la tenue du congrès du RND qui a vu la présence de grosses pointures parmi les membres fondateurs du parti.
Parmi ces derniers et au sein de la direction de cette formation, il y a à l’évidence des femmes et des hommes longtemps bien silencieux devant des menaces sérieuses aux plans idéologique et sociétal, alors qu’ils ont la compétence et le profil pour dire. Avec un peu plus de courage politique, en refusant l’intégrisme rampant, ils seraient étonnés des réactions des élites, des cadres, des couches moyennes, même paupérisées, de la jeunesse qui veut plus et pas que la «harga» et des destins improbables à l’étranger qui ne veut pas d’eux.
M. Ouyahia hérite de chantiers énormes, de blocages criminels et d’un déficit de confiance global à l’adresse du pouvoir. Il ne sera jugé que sur ses choix et décisions et sur ses capacités à aller plus haut, plus loin pour fédérer en dehors d’une alliance, source continue de mésalliances, pour laquelle ses leaders font semblant, sans duper personne. Est-ce que M. Ouyahia va faire des ruptures ou simplement assurer la continuité d’un cycle en bout de course, préparer des échéances, etc. etc.
Abdou B.