Cheval de Troie

La campagne qui a été menée sans tambour ni trompette et qui a conduit à la fermeture de locaux, cafés ou bars possédant des licences de commercialisation de boissons alcoolisées, n’a pas encore livré tous ses secrets. Si l’administration se retranche derrière des prétextes de sécurité, l’observateur avisé y voit plutôt une concession de plus, faite à la mouvance intégriste qui a retrouvé toute sa voix à la faveur de la politique de Réconciliation nationale.

La polémique subsiste et bien malin sera celui qui avancera des preuves tangibles quant à la bonne foi ou aux arrière-pensées politiques de l’Exécutif.

Cependant, un éclairage nouveau peut survenir à l’improviste, mettant en relief les diverses causalités des différentes mesures tendant à donner à la société une façade uniforme et orthodoxe. Cette lumière pourrait venir d’Egypte, pays touristique par excellence et dont l’infrastructure est exemplaire. Mais la société égyptienne, comme toutes les sociétés à majorité islamique, subit les effets d’un rigorisme venu d’ailleurs. Il se traduit non seulement par un nouveau comportement vestimentaire mais il se traduit aussi par une montée de l’intolérance et d’une interprétation trop restrictive des dogmes.

Cependant, jusqu’à présent, le secteur touristique, poumon de l’économie égyptienne, a échappé ou résisté à la pensée unique grâce au pragmatisme des hommes d’affaires égyptiens et des décideurs politiques (quand ceux-ci ne sont pas ceux-là). Jusqu’à présent, pourrait-on dire, malgré quelques attentats terroristes qui ont visé des groupes de touristes européens ou israéliens.

Pourtant un coup de semonce vient d’être tiré des bords du Nil: un grand hôtel cinq étoiles vient d’être racheté par un magnat saoudien. Le premier geste de ce nabab wahhabite fut de faire vider dans les conduites d’eaux usées toutes les réserves de l’hôtel en boissons alcoolisées: ce sont les poissons-chats du Nil qui ont dû faire la nouba.

Ils se seraient crus au jour de l’an! Un gâchis estimé à 300 mille dollars selon les spécialistes. Les autorités n’ont pas tardé à réagir devant ce geste anti-commercial qui, s’il se généralisait, ravalerait l’Egypte au rang d’un pays maghrébin que je ne citerai pas pour les mêmes raisons.

Au moment où le Qatar compte ouvrir la plus grande église du monde arabe et musulman et qu’il refile des hidjabs à nos journalistes féminines, il serait légitime de se poser la question suivante, sans avoir à surmener ses neurones:

«Est-ce que les nombreux investisseurs déguisés en chasseurs d’outarde ne seraient pas à l’origine des nombreuses mesures menées contre les bars ou les lieux de culte non déclarés?» Enfin, s’ils ne l’ont pas explicitement demandé, il est légitime de supposer que ceux qui ont suivi les cours du soir entre Le Caire et Oman sont prêts à aller au-devant des désirs des émirs.

Quoi qu’il en soit, quand on importe des technologies, on importe un peu de la culture du pays qui les produit et quand on importe des investissements on se hasarde à subir les effets du mimétisme qui frappe les serviteurs qui veulent ressembler à leurs maîtres.

Peut-être que demain les fumeurs de narguileh ou les mâcheurs de qat feront partie naturellement du panorama. Ainsi, la lutte entre l’influence occidentale et orientale pourrait reprendre de plus belle à la faveur de la visite du ministre Fillon, même si les spectateurs conviés à célébrer le Jour international de la musique ne sauront plus sur quel pied danser, d’autant plus que les meneurs d’orchestre agitent deux baguettes à la fois.

Selim M’SILI

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