“Unions” et démocratie
On croyait qu’il avait désespéré de l’unité africaine quand le dernier sommet de l’Union africaine avait rejeté son projet d’États-Unis de l’Afrique. Mais, depuis que Paris s’est résolu à se passer de sa participation à l’inauguration de l’Union pour la Méditerranée, Al-Kadhafi redécouvre, une fois de plus, l’Afrique.
Le leader libyen en profite pour enterrer l’Union du Maghreb dont il est le président, puisqu’elle n’existe pas et que certains de ses membres sont même en guerre. L’autre jour, à la télévision, Messahel l’Africain lui rétorquait, chiffres à l’appui, que la guerre froide entre les deux voisins ne les empêche pas de commercer.
Pour soutenir la thèse de Messahel, selon laquelle la frontière entre le Maroc et l’Algérie, ça ne sert pas qu’à faire de la politique, et que celle-ci est bien plus ouverte qu’elle ne l’est officiellement, on pourrait rappeler le nombre d’affaires en cours liées à la circulation transfrontalière de drogue et d’armes.
Dans la même émission de télévision, et tout comme le Al-Kadhafi du projet des États-Unis d’Afrique et de l’après-UPM, le ministre délégué voyait dans l’UA la solution africaine aux conflits africains. L’animatrice a même volé à son secours en sélectionnant des images d’archives de la signature des accords d’Alger entre l’Érythrée et l’Éthiopie.
Mais les “accords d’Alger”, qu’ils soient inter-Maliens ou entre Smara et Addis Abeba, n’avancent pas beaucoup l’Afrique : ces conflits chroniques connaissent régulièrement des moments de trêve, mais pas de solutions. À l’Ouest, les Touareg du Mali n’en démordent pas et, à l’Est, on n’a toujours pas convenu du tracé définitif de la frontière Érythrée-Éthiopie.
Après trois mois de crise post-électorale au Zimbabwe, l’UA s’est réveillée à la menace de guerre civile, et le président de l’organisation vient de se rendre à Harare. Sûrement trop tard. Le chef de l’opposition vient de se réfugier à l’ambassade… des Pays-Bas.
C’est dire qu’il compte beaucoup sur l’Afrique. Après quatre mois de crise et de stériles entremises du complaisant président sud-africain, Tsanguivari ne devait plus s’attendre à une intervention de l’UA.
Ainsi fonctionne l’organisation africaine : elle couvre les sévices de ses chefs d’État membres contre l’intervention étrangère. Ils peuvent réprimer à huis clos ; l’UA ne rappelle son existence que lorsque le scandale éclate au-delà des frontières continentales.
Mugabe a eu tout le temps de réduire un tiers de sa population à vivre de l’aide humanitaire ; il a eu trois mois pour annihiler les effets d’une double élection législative et présidentielle du 29 mars.
Et maintenant que la crise est irrémédiable, l’Afrique s’agite pour prévenir l’intervention éventuelle de la communauté internationale devant ce coup d’État de plus contre la démocratie en Afrique. Là-dessus, Al-Kadhafi et Messahel se rejoignent sûrement dans leur conception de la coopération régionale.
Il y a de bonnes raisons de se méfier de l’UPM et autres propositions occidentales, mais l’argument de leur préférer la démarche de regroupement régional ne tient pas. Il manque l’essentiel aux syndicats de régimes maghrébins, arabes, africains… La culture de la démocratie.
Mustapha Hammouche