TURQUIE : UNE POLITIQUE ÉCONOMIQUE À MÉDITER

Depuis 2002, l’économie turque est entrée dans un régime de croissance robuste après avoir connu en 2000/2001 une forte crise financière. Entre 2002 et 2006, le produit intérieur brut de la Turquie a progressé, en termes réels, de +7% par an en moyenne (contre +3,7% durant la décennie 1990).
Pour 2007, la croissance a été de +5%. Et cette croissance est de bonne qualité puisqu’elle repose sur une forte accélération de la productivité. Entre 2000 et 2006, la productivité apparente du travail (rapport du PIB à la population active occupée) a progressé de +5% par an. Et c’est dans le secteur manufacturier que la productivité a le plus progressé : +6,7% par an.

La productivité globale des facteurs (PGF) (travail et capital) pour l’ensemble de l’économie est passée de +1,2% par an entre 1987 et 2000 à +3,9% entre 2000 et 2006. Ces performances en termes de productivité ont été obtenues grâce aussi à un effort d’investissement en équipements qui a été (rapporté au PIB) de 19% (16% en 2000). Cet effort d’investissement a été financé en grande partie par le secteur public dont la situation financière s’est nettement améliorée puisque son besoin de financement est passé de 20% en 2000 à moins de 1% en 2006.

La progression de l’investissement a été aussi due à une augmentation de l’investissement direct étranger (IDE) qui a représenté en 2005/2006 3,4% du PIB contre seulement 0,6% sur la période 1990/2004. L’attractivité du site Turquie s’est nettement améliorée et c’est principalement le secteur des services qui a attiré les IDE : 90% du total des IDE sont allés à ce secteur (42% pour le secteur bancaire et 38% pour le secteur des télécommunications).

A quoi est dû ce nouveau régime de croissance ?

D’abord, à une politique de l’offre qui a reposé sur des réformes structurelles dont les effets positifs n’en sont qu’à leur début et dont les bienfaits sont encore à venir.

1) Le climat des affaires a été considérablement amélioré entre 2003 et 2006. Pour la création d’entreprises, le nombre de procédures a été réduit de 13 à 8, le délai nécessaire de 38 à 9 jours, le coût (rapporté au revenu par tête) de 37% à 27%.

2) En 2006 a été mise en œuvre la réforme de la fiscalité qui a consisté en une simplification de l’impôt sur les sociétés (baisse du taux d’imposition de 30 à 20% ; exemption des cotisations sociales à la charge de l’employeur comprise entre 80% et 100% ; subventions de 20% sur les dépenses d’électricité).

3) En mai 2003 a été introduite la réforme du code du travail qui a introduit plus de flexibilité : assouplissement des règles relatives à la durée du travail et aux heures supplémentaires ; relèvement du seuil (de 10 à 30 salariés) au-delà duquel les règles relatives à la protection sociale s’appliquent ; législation des contrats à durée déterminée sans limite de renouvellement et des contrats à temps partiels (cf. «Conjoncture BNP Paribas ; François Fauve - in «Problèmes économiques» du 11 février 2008).

* Le nouveau régime de croissance de l’économie turque repose aussi sur une politique de la demande qui s’exprime par une impulsion remarquable des exportations et un très fort développement du crédit domestique. Entre 2000 et 2006, les exportations de biens et services (rapportées au PIB, en volume) ont augmenté de plus de 15% (soit 2,2% en moyenne par an). L’économie turque a réalisé durant cette période (2000/2006) des gains de marché évalués à 45%. Selon l’OCDE, la Turquie a enregistré au cours de la période 2000/2005 la plus forte progression de parts de marché (avec l’Irlande et la République slovaque - voir «Problèmes économiques » n° 2.941).

La consommation interne

La demande a été aussi impulsée par une politique favorable de crédit domestique à l’entreprise et aux ménages. Le crédit bancaire a atteint 33% du PIB à la fin de l’année 2006 (contre 20% en moyenne entre 1990 et 2003). L’accès au crédit a été facilité par une forte baisse des taux d’intérêt et les crédits aux entreprises et aux ménages ont représenté plus de 50% des crédits à l’économie à la fin de 2006 (contre 33% à la fin de 2003). Les prêts consentis aux ménages ont triplé en pourcentage du PIB.

A la fin 2006, ces crédits se répartissaient pour 1/3 en crédits logement, 1/3 cartes de crédit, 1/3 autres crédits à la consommation (auto, équipement…) La hausse de l’endettement des entreprises soutenue par la baisse des taux d’intérêt réels a été contenue grâce à une amélioration de leurs indicateurs de rentabilité (excédent brut d’exploitation/charges d’intérêt ; résultat net/fonds propres ; résultat net/actifs).

Une politique macro-économique active, qui a su mixer relance par la demande et politique de l’offre, a permis à la Turquie de redresser son économie et de l’installer sur un nouveau chemin de croissance robuste et durable. Pour l’économie algérienne, continuer à marcher sur une seule jambe (relance par la demande) ne pourra pas aider à installer l’économie dans une croissance à base de productivité et inscrite dans la durée.

Encore une fois, nous rappelons que l’économie algérienne est toujours en attente d’une politique de l’offre. Et cette politique de l’offre doit bien évidemment cibler en toute priorité les PME/PMI. Les difficultés auxquelles font face nos entreprises sont connues.

Au lieu de se perdre dans les méandres d’une «stratégie industrielle » qui s’acharne à reconstruire des sociétés nationales d’un autre temps économique, il serait bien plus efficace de penser une politique de l’offre en phase avec nos problèmes et surtout de s’organiser pour la mettre en application en remobilisant l’ensemble des acteurs économiques.

Et quel meilleur moyen de remobiliser ces acteurs qu’un programme cohérent dédié à l’entreprise et qui doit l’accompagner dans ses efforts d’innovation, qui doit lui rendre disponibles les services à l’entreprise et bien évidemment la main-d’œuvre qualifiée dont elle a besoin.

Abdelmadjid Bouzidi

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