Paralysie

Le traité de Lisbonne «simplifié», qui est en réalité un chef-d’œuvre de complexité, est mort juridiquement un vendredi 13. Survivra-t-il politiquement ? A cette question lancinante, les dirigeants européens ont répondu en renvoyant l’initiative à Brian Cowen. Le Premier ministre irlandais a été donc prié de trouver lui-même une sortie de crise et d’en faire part à ses homologues au sommet européen du 19 juin. D’ici-là, un seul message martelé comme un leitmotiv rassurant : continuer le processus de ratification malgré le «non» irlandais.

Et maintenant ? La réalité, c’est qu’il n’y a pas de «plan B» car le «plan B», c’était le traité de Lisbonne. Et c’était déjà la stratégie adoptée après les «non» français et néerlandais à la Constitution européenne en 2005. Et c’était encore le fait après un autre «non» de l’Irlande au traité de Nice (2001). A l’époque, les Irlandais qui avaient «mal voté» avaient été invités à changer d’avis et ce fut le cas.

Mais, cette fois-ci, Dublin a exclu pour l’instant tout nouveau référendum. Alors, encore une question : que faire ? Sauf à convaincre les Irlandais de changer leur Constitution qui les empêche de ratifier les textes européens par voie parlementaire, il n’y a pas de «plan C», encore moins des idées convaincantes pour faire revoter ce peuple frondeur mais lucide.

L’europhile Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, dont le pays présidera l’Europe le 1er juillet pour six mois, admet tout de même qu’il n’y a pas de réponse toute faite à une situation de fait. Tout en voulant bien se convaincre que l’Europe «n’est ni en panne ni en crise», il recommande la reprise du dialogue avec les Irlandais. Discuter donc pour voir quelles propositions ils accepteraient pour se prononcer une nouvelle fois sur le traité.

Par exemple, d’agréer une éventuelle exonération de la politique de défense et de sécurité, l’Irlande étant un pays neutre. Dans l’hypothèse, il s’agirait d’une adaptation marginale qui ne concernerait que ce seul pays. Hypothétique.

Alors, comment aménager le texte, via des déclarations, des protocoles, voire une improbable renégociation du traité de Lisbonne, substantiellement ou à la marge ? En dépit des souhaits ardents et des «il faut que» des dirigeants européens, le traité de Lisbonne est suspendu, à défaut d’un enterrement de première classe comme le clament les eurosceptiques. En tout cas, le «non» irlandais empêche tout à fait sa mise en œuvre le 1er janvier 2009.

Pour autant, la mise en veilleuse du traité de Lisbonne ne lui interdit pas de continuer à fonctionner sur une base contractuelle stable. Nul doute que le processus de ratification se poursuivra, de même que l’intégration qui se fera sur la base de coopérations renforcées, celles de petits groupes de pays qui avanceront sujet par sujet avec ceux des Etats qui le souhaiteraient.

Il n’en demeure pas moins que le «non» irlandais a révélé crûment et cruellement le fossé entre les peuples et l’Europe des eurocrates de Bruxelles. Un hiatus profond entre une stratégie purement technocratique et les préoccupations à court terme des citoyens. Cette dichotomie n’a jamais été aussi flagrante qu’au cours des dernières semaines avec la flambée constante des prix du pétrole et la montée progressive des mécontentements.

Le président Nicolas Sarkozy, qui a fait adopter au forceps le traité de Lisbonne, et à sa suite les dirigeants européens ne semblent pas avoir assimilé les leçons de mai 2005 des «nonistes» français et néerlandais. Ils n’ont pas fait le travail pédagogique et démocratique nécessaire, en tout cas pas assez, pour associer les peuples européens à l’élaboration de leur destin commun. Ils ont donc décidé de faire leur bonheur à leur place. Le «non» les a rattrapés. Une nouvelle fois. Avant une autre ?

Noureddine Khelassi

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